Pages

samedi 21 juin 2014

Gouvernance et Complexité



La Complexité, ce n’est pas seulement ce que mesurent les tableaux de bord pour une « bonne gouvernance », mais c’est aussi ce qui leur échappe.
Les contributeurs d’un blog ont souvent pour objectif de servir la communauté des lecteurs et de faire une action utile en exposant leur point de vue. Mais les opinions éparpillées et les petits ragots autour de la machine à café, lors des pauses des séminaires sur la gouvernance de l’information ou les schémas directeurs, en disent plus long sur les réalités, les ‘vraies’. Parmi ces ragots, la question  de la « complexité » revient souvent sur le tapis.

En effet, à l’ère de la globalisation, de la mondialisation, de la dérégulation, la grande transformation des systèmes d’information (S), des organisations et du management consiste à passer des « châteaux forts aux cloisons mobiles » (Isabelle Orgogozo , Les paradoxes du management). Lorsque   les pouvoirs traditionnels et les pouvoirs émergents s’affrontent, la complexité se trouve  à l’intersection de ces pouvoirs «  contraires » qui peuvent devenir complémentaires.  Par exemple, entre un SI souverain et les SI des réseaux sociaux, il y a une « rencontre des contraires » qui se nomme « complexité »  (Edgar Morin, La Méthode). C’est ce qui fait que le management des Hommes, des organisations et des SI est devenu si complexe.  Les grandes organisations bureaucratiques mécanistes préfèrent  laminer les contraires en imposant les Règles de « bonne gouvernance ».  Le résultat n’est pas facilement gérable. C’est même devenu  « ingérable ».  Il suffit de se tourner vers Henry Mintzberg et ses écrits à ce sujet pour s’en convaincre.

Lorsqu’il s’agit de définir le futur et gérer la transformation des SI et de l’organisation, la DSI en quête de justification de ses positions, de  ses préconisations, de ses propositions de solutions et de ses projets se mobilise pour les faire légitimer au sein de l’organigramme. Le  schéma directeur des S.I.  est le document qui agrège ces éléments. Je suis bien placé pour affirmer que depuis 30 ans, tout (ou presque) a été dit en matière de conduite des schémas directeurs des S.I.   La complexité se situe ailleurs…  Certes, on peut encore plus renforcer et propager les « bonnes  pratiques »  en alignant et en normant  les processus, les qualifications et les résultats  sur les référentiels de certification.  Mais force est de constater que plus on standardise et on normalise, plus on centralise et par conséquent plus on développe la techno-structure, ce qui a pour conséquence  de  « fabriquer » des collaborateurs obéissants et soumis au « chef », à la « règle », à l’ordre. Alors qu’en est-il de la personnalisation du service au client, de l ‘autonomie des acteurs mobiles, et … de l’innovation  ? Je ne veux pas dire qu’il ne faut pas de règles. Simplement, une organisation en réseau, si elle veut se transformer pour continuer à exister, doit devenir  apprenante.  

Il ne faut pas alors s’étonner que entreprises leaders hier, ont des difficultés aujourd’hui et seront en déclin demain. Dès  qu’il s’agit d’innovation collaborative et d’intelligence collective, les référentiels trouvent donc leurs limites. En effet, l’innovation a ses règles que les bonnes pratiques mimétiques ne sauraient connaître. En particulier, en ce qui concerne le repositionnement des fonctions S.I. et les nouveaux modèles d’organisation ainsi que l’évolution des métiers,  le marché  propose des recettes. Or les entreprises n’ont pas d’abord besoin de recettes mais  de questionnement en vue d’une  « transformation numérique» réussie. Mais pour se poser les bonnes questions, face aux vrais besoins et priorités,  il faut un peu de recul et  … du temps. Or tout est dans l’accélération. Comme je le disais dans l’un de mes précédents articles sur ce sujet : « il  faut savoir changer le rétroviseur de sa voiture  pendant qu’elle roule sur un terrain chaotique, et ne  pas manquer les virages » (www.cogouvernance.com – « Articles 2014 »).  
Alors comment les acteurs, tous « co-responsables », vont-ils  gérer cette complexité et quelle sera leur première bonne question en matière de cogouvernance ® de l’information pour l’entreprise numérique ?
Gérard Balantzian
gerard.balantzian@gmail.com
Paris, le 20 juin 2014