Nous observons un
fort développement de l’Internet des Objets qui ne va que s’amplifier encore.
Derrière cette multiplication des nouveaux outils on assiste au développement
très rapide des données, à la découverte de gisements déjà disruptifs et la
promesse de beaucoup d’autres à découvrir. La Data est au cœur de la mutation à
venir dans la captation de valeurs des nouveaux écosystèmes qui obligent les
acteurs traditionnels à changer de posture. Le passage à l’échelle industrielle
est également très structurant voire fertilisant sur certaines zones
géographiques et régionales.
Les grandes familles d’applications des objets
connectées à Internet
L’analyse montre
qu’il se dégage cinq grandes familles d’applications :
·
Les
« connecting home ou maisons connectées ». Avec le « smart
home » c’est la climatisation et la sécurité des domiciles, le management
à distance des installations, les systèmes de distractions, la domotique… Le
cabinet Berg Insight estime que les revenus générés par les foyers connectés
vont passer de 1 milliard de dollars en 2012 à 12,5 milliards de dollars en
2017.
·
Les
« wearables ou tout ce qui se porte et qui est intelligent ». Ce
sont les montres et les lunettes connectées, les systèmes de fitness, les
cameras portables (type GoPro), les accessoires complexes, les vêtements
connectés… Ce marché est estimé par la banque Goldman Sachs à 2,5 milliards de
dollars en 2013 et devrait atteindre 19,5 milliards de dollars en 2017. Les
segments les plus dynamiques en 2015 devraient être les accessoires
intelligents et les vêtements intelligents (« smart garment »).
·
L’ « Internet
Industrial ou internet industriel » qui comprend la robotique, l’automatisation
de l’entreprise, l’amélioration de l’efficacité de la chaîne logistique, le
nommage décuplé avec IPV6 etc.
·
Les
« connecting cities ou villes connectées ». Avec les « smart
cities » ils comprennent les analyses temps réel des flux, la gestion de l’éclairage
public, la gestion des parkings, la recharge des véhicules électriques, la
logistique optimisée et transmodale, et les compteurs intelligents
d’électricité, de gaz et d’eau. Selon Goldman Sachs on va assister dans les
années à venir à l’installation de 1,5 milliard de compteurs intelligents.
·
Les « connected
cars ou voitures connectées » : le diagnostic des véhicules, la navigation,
la sécurité, la gestion des flux de véhicules, les « computing units »
dans le véhicule autonome se développent avec de nouveaux standards de
communication entre chacun d’eux, à la clé l’émergence de nouveaux chefs
d’orchestre qui changent et imposent leurs règles dans des stratégies de
plateformes,… Ce dernier segment est le plus important. Quasiment inexistant actuellement
il devrait représenter 60 % du marché mondial des voitures en 2020. Au mois de
mars 2015 une Audi Q5 équipée par Delphi a traversé les Etats-Unis de San
Francisco à New-York en pilotage automatique sur une distance de 5.500
kilomètres parcourus en 9 jours (voir l'Argus et You Tube ).
La plus grande
crainte des entreprises, toutes exposées à une interaction (voire une
confrontation) avec l’une de ces 5 familles est de découvrir demain un
concurrent venant d’un horizon inconnu et inexploré, prenant en quelques mois
une part de marché significative comme c’est le cas d’Uber avec le marché des
taxis. L’entreprise a été créée en 2009. Elle est aujourd’hui présente dans 51
pays et 253 villes. En France il y a 1 million d’utilisateurs actifs. Elle est valorisée
41 milliards de dollars et on estime qu’en 2015 elle réalisera un
« chiffre d’affaires » estimé à 10 milliards de dollars (Wikipedia en français et plus complet en anglais ).
Une grande révolution
On observe une
double révolution. Sur le plan technologique on assiste à une baisse rapide du
coût des capteurs. Ces dix dernières années le coût d’un capteur est passé de
1,30 dollars à 60 cents. De plus sa taille a considérablement diminué. Sa
surface est passée de 1 centimètre carré à 1 millimètre carré. Il est ainsi
possible de les intégrer dans de nombreux produits comme une montre, un
bracelet, une chemise de sport etc. La vague du nano va à nouveau bouleverser
le terrain de jeux et l’agilité d’acteurs ayant anticipé les brèches des
nouvelles propositions de valeurs. Savant positionnement du curseur entre une
économie de l’offre et celle de la demande. Cette évolution s’est faite alors
que durant la même période le coût de la bande passante a été divisé par 40 et
celui du traitement par 60.
A cela s’ajoute
la loi de Grötschel (Martin Grötschel du Konrad – Zuse - Zentrum für
Informationstechnik de Berlin) qui a constaté que : « la vitesse de calcul des algorithmes progresse
43 fois plus vite que la puissance des microprocesseurs, les algorithmes
pouvant être défini comme les séquences d’opérations et d’instructions d’un
programme informatique ». C’est l’équivalant de la loi de Moore qui dès
1965 annonçait que « le nombre de transistors par circuit de même taille
doublait tous les 18 mois, sans augmentation de coût ».
Ces deux moteurs : évolution
des capteurs et loi de Grötschel expliquent le développement rapide actuellement
constaté des sous-jacents de l’Internet des Objets ou encore de l’internet
« of everything » comme le caractérise Cisco. La France devient son
8e « international innovation center » avec une promesse d’engagement
de 100 millions d’euros dans les écosystèmes de l’innovation en France. Comme
développé dans l’article de CCE International de février 2015 « Depuis
quand l’objet fait-il la stratégie », l’enjeu n’est pas l’objet mais la
plateforme d’intégration des acteurs (« game players »). Dans le B2B
le cycle de vie des objets connectés tombe malheureusement à 6 mois avant
d’être laissé de côté par son propriétaire.
Le grand écart des prévisions
Pour l’instant le
nombre d’objets connectés à Internet est limité mais tout ce qu’on observe
permet de prévoir qu’il va exploser dans les années à venir. D’ici 5 ans,
c’est-à-dire 2020, on estime leur nombre entre 30 milliards (selon le Gartner
Group) à 212 milliards d’objets (selon IDC ou Intel). Ces chiffres sont très
discutables mais il est probable que l’ordre de grandeur est juste. Il sera de
l’ordre de 10 puissance 10 ou 11 (10 à 100 milliards d’objets). On est face à
une déferlante. Dans ces conditions la seule question pour toutes les
entreprises est de se demander comment ne pas être « disrupter » par
un Tesla (pour l’automobile), Bitcoin et le blockchain ou encore les sites de
crowdfunding (pour les banques), Airbnb (pour les groupes hôteliers)…
Différentes études
ont cherché à chiffrer les enjeux de l’IoT (Internet of Things). Cisco et DHL
ont estimé le chiffre d’affaires mondial des objets connectés à 500 milliards
d’euros dès 2016. En se projetant à 5 ans la valeur ajoutée créée par les objets connectés s’élèvera à 8.900
milliards de dollars et Cisco estime qu’il y aura 6,5 objets connectés par
personne dans le monde en 2020.
Différentes prévisions concernant le nombre d'objets connectés à Internet |
Un enjeu économique majeur
L’Institut Montaigne et AT
Kearney ont effectué une étude analogue pour la France et ils estiment que l’enjeu va passer de 74 milliards d’euro en 2020 et à 138
milliards d’euros en 2025 soit un pourcentage de l’ordre de 3 % du PIB. Il est
dû à la conjonction de trois leviers d’action :
·
L’augmentation de la productivité est permise
par l’exploitation des données produites par les objets, par le contrôle à
distance, en permettant de réduire la consommation d’énergie et d’intrants… L’enjeu
s’élève de 30 à 64 milliards d’euros.
·
Les gains de pouvoir d’achat permis par les
économies d’énergie, la plus longue durabilité des produits… L’enjeu est estimé
de 24 à 42 milliards d’euros.
·
Des économies de temps permis par les progrès
constatés dans le domaine médical qui permettent d’augmenter le nombre d’années
des personnes vivant en bonne santé dont une partie permettra d’allonger la
durée du travail. L’enjeu est de 20 à 32 milliards d’euros.
Le potentiel de
création de valeur est assez variable d’un secteur à l’autre :
·
Le logement.
Ce sont les gains les plus importants : 19 milliards d’euros en 2020 grâce
aux économies d’énergie, à la domotique et la réduction des tâches ménagères.
·
L’amélioration
de la mobilité. Ces gains sont estimés à 17 milliards d’euros. Ils
concernent la réduction des embouteillages automobiles, la diminution des
accidents et de leur gravité, la baisse de la consommation d’essence…
·
La santé.
Ces gains sont estimés à 16 milliards d’euros. C’est un domaine très important
car aux USA la FDA freine le développement du médical et des objets connectés
dans le bien-être à cause des nombreuses contraintes qu’elle impose. L’internet
des objets médicaux permet de contourner cet obstacle. Il concerne le suivi de
l’observance (la prise de médicaments prescrits), l’optimisation des parcours
de soins, la prévention (un secteur en jachère, seulement 3 % des dépenses de
santé sont consacrées à la prévention), l’hospitalisation réduite...
·
L’industrie.
Ces gains sont estimés à 12 milliards d’euros. Le grand domaine est celui de l’usine
connectée et de l’optimisation des flux logistiques : matière première, produits
semi-finis et marchandises… Les réseaux intelligents auront aussi un impact sur
les montants de consommation et d’investissement.
·
L’action
publique. Ces gains sont estimés à 8 milliards d’euros. Sont concernés
l’optimisation des ressources utilisées, la gestion de la sécurité et le développement
de la défense connectée.
·
L’éducation.
Ces gains sont estimés à 2 milliards d’euros en 2020 mais 6 milliards d’euros
en 2025. Ces gains sont obtenus en gérant mieux le parc de classes et en
veillant à avoir un meilleur impact de la formation professionnelle sur la
productivité.
·
Les
loisirs. Ces gains sont estimés à 1 milliard d’euros grâce au développement
des articles de sport connectés.
L’Institut
Montaigne estime que le marché des achats d’objets connectés (du bracelet
connecté pour suivre l’activité physique d’une personne à l’équipement des
capteurs d’une ligne de production et des services (réseau, Datacenter, Big
Data…) sera en 2020 de 15 milliards d’euros et passera à 23 milliards d’euros
en 2025.
Des bouleversements considérables à venir
Les trois
segments qui vont être le plus fortement impactés par l’Internet des Objets
sont :
·
La cité
du futur. En Europe on en parle mais en Chine les décideurs sont dans
l’action. Ils sont très en avance avec plus de 27 % du M2M (Machine to Machine)
au monde. Toutes les grandes villes comme Shanghai, Pekin et beaucoup d’autres
mégapoles asiatiques,… se sont dotées depuis plus de 10 ans de plan directeur, de
« chief digital officer », de « chief data officer », pour
construire la « smart city ».
·
La maison
connectée. Pendant longtemps on a parlé de domotique sans aller très loin
dans sa généralisation. La généralisation des capteurs simples et standards, le
recours à Internet va rendre ce marché très dynamique.
·
L’automobile.
Ce sont des enjeux colossaux. D’ici cinq ans 30 % des voitures circulant seront
connectées. L’objectif est de baisser de 20 % le nombre des accidents. Il y a plus
de 20 millions d’accidents dans le monde
chaque année. Ceci se fera en contrôlant mieux la vitesse (25 % des accidents),
l’alcoolisation des conducteurs (20 % des accidents) et le refus de priorité
(14 % des accidents). Le coût des accidents est en France de 22 milliards
d’euros. L’enjeu est de 4,4 milliards d’euros sans compter les vies sauvées.
A terme
l’automobile sera une plateforme qui va intégrer un nombre croissant de
processeurs (les « computing units » évoqués précédemment), chacun
ayant une fonction simple comme l’ABS ou l’allumage des codes. On est passé de
4 processeurs à 14. A court terme il y en aura 50 puis il faut envisager qu’il
y en aura 5.000 à l’horizon de 5 ans. Un véhicule comme la voiture
autonome de Google en marche produit déjà 1 Gbits de données par seconde. Comment
gérer ce type de réseau ? Le groupe Volkswagen y travaille au sein d’un
consortium d’industriels dans le cadre du projet Eureka-ITEA et vient de
finaliser un standard de communication des éléments de la plateforme automobile.
Développer la confiance
Comme beaucoup d’activités
humaines le développement de l’Internet des Objet repose sur le développement
de la confiance. La capacité à définir des règles du jeu claires est confrontée
à des obstacles culturels, juridiques et administratifs ou encore des passages
à l’échelle industrielle. Les GAFA arrivent à les diffuser largement. Dans les
objets de l’internet des objets les capteurs sont invisibles ou quasiment
invisibles et les traitements se font sur le cloud. Cette opacité n’est pas
favorable au développement de ces technologies et de leurs usages. Il est
nécessaire de créer de la transparence, règle d’or dans toute communauté
virtuelle.
C’est le rôle des
différents opérateurs et notamment de ceux qui gèrent le réseau. Un très bon
exemple est donné par Sigfox qui est une entreprise toulousaine. Elle est
leader mondial de réseau bas débit et basse fréquence pour connecter des objets (voir Wikipédia). Les opérateurs téléphoniques sont dans une course
sans fin aux débits : après la G2 et la G3, aujourd’hui c’est la G4 et le
LTE, demain ce sera la G5. Sigfox a misé dès le départ sur le bas débit
(l’Ultra Narrow Band). Son réseau couvre aujourd’hui la France et six
pays : le Royaume-Uni avec Arquiva, l’Espagne avec Abertis Telecom, les
Pays-Bas avec Aerea, la Russie avec Mirconet et le Portugal avec
NarrowNet.
Ces réseaux autour
de l’internet des objets vont avoir un impact sur l’industrie du
paiement : Mastercard, Visa,… Intel s’intéresse de plus en plus à ce
marché. On va voir apparaître ces objets curieux. Ainsi Amazon a lancé le
bouton « Dash ». Lorsque le niveau de lessive est faible il suffit
d’appuyer le bouton se trouvant sur l’emballage. Amazon prend en charge la
commande et livre la boite de lessive à l’adresse habituelle dès le lendemain
matin.
Mastercard mise
sur la montre connectée alors que American Express mise sur le bracelet utilisé pour suivre le rythme
cardiaque et le nombre de foulées ( le « Jawbone’s UP3 fitness
tracker » ) lorsque l’utilisateur fait son jogging et qu’il veut s’acheter
une bouteille d’eau ( ). Ceci dit au même moment le porte-monnaie
électronique Moneo jette l’éponge.
L’internet des
objets transactionnels pourrait émerger comme la nouvelle vague de profusion
des usages et de propositions de valeurs…
Les enjeux stratégiques considérables
Face à ces
mutations les analyses des penseurs du management sont faibles. Ainsi Michael
Porter, pape du management stratégique, a identifié quatre capacités clés des
objets connectés à Internet et à des bases de données exploitées par le Big
Data :
·
La surveillance grâce à des capteurs pour faire,
par exemple, de la médecine préventive.
·
Le contrôle en exploitant ces données par des
algorithmes se trouvant dans le produit ou dans le cloud.
·
L’optimisation de l’utilisation des objets à
partir des données produites.
·
L’autonomie des objets grâce à l’intelligence
artificielle permet d’atteindre un important niveau d’indépendance.
C’est intéressant
mais ce n’est pas de loin suffisant, l’article de HBR France d’avril 2015 date
malheureusement de près de 2 ans illustrant l’inertie de la production de la
connaissance avec des comités de lectures traditionnels.
Deuxième
constatation : le piratage des données. La sécurité des données est un
enjeu majeur. Ce risque est accru par la pratique du BYOD, c’est-à-dire que les
personnes utilisent leurs smartphone et leur ordinateur pour gérer des
applications professionnelles et aussi effectuer des utilisations personnelles.
30 % des salariés français consultent et modifient des documents professionnels
sur leur propre ordinateur ou leur tablette. Le nombre des malwares augmente.
En un an, de 2013 à 2014 ils sont passés de 19,5 à 37 millions. Les attaques
visent les points de ventes, les couches de transport et de sécurité d’Internet
(SSL et TLS) et les systèmes de supervision industrielle type SCADA.
En fait, un des
points clé va être le développement des investissements dans les actions
préventives concernant la santé. On estime en France ces dépenses d’investissement
préventif à 2,1 % du total des dépenses de santé alors que dans l’union
européenne elles sont de 2,9 %. Mais en Finlande ils sont de 5,4 %. Comme on le
voit il y a une marge de progrès importante.
Conclusion
Dans les années à
venir on va assister au choc de la monétique et du transactionnel dans
l’internet des objets. Elle repose sur une architecture technique basée sur des
datacenters situés dans le cloud et nécessite des efforts de sécurité
importants. Elle va permettre de développer une puissante approche
transactionnelle et on va assister au développement de crypto-monnaie avec des « blocks
chains » venant « disrupter » les institutions financières. L’observateur
averti aura reconnu le poids structurant d’ Ali-Pay d’Ali-Baba qui a
aujourd’hui dépassé Pay-Pal et qui est prédominant dans l’e-commerce chinois.
L’autre phénomène
clé est le fait que les objets connectés vont produire de grandes quantités de
données (données massives : big data). La data est au cœur de la mutation
en cours. Les systèmes vont enrichir les données quantitatives par de
nombreuses données non-structurées. Un nouveau paradigme va compléter
l’approche des données structurées du canal historique pour lesquelles les
référents de mesure de la valeur sont établis mais bien insuffisants pour décrire les effets
encore inconnus des nouveaux gisements à libérer.
A chaque grande
révolution a son utopie,voire sa gouvernance utopique.
1 commentaire:
L'Internet des objets est une mutation fondamentale. C'est le type même de technologie disruptive selon le concept développé par Clayton Christiensen dans "The innovator's dilemma". Pour de nombreuses entreprises c'est un risque important.
L'autre grand risque est le problème de sécurité et notamment celui de la confidentialité des informations. Ceci ce n'est pas spécifique à l'IoT mais concerne l'ensemble d'Internet et du Cloud. Cependant si on recueil des informations médicales comme le rythme cardiaque, la tension artérielle ou le taux de glucose et que ces informations sont divulguées, par exemple à des compagnies d'assurance, cela pose un grave problème.
Pour ces raisons la gouvernance de l'IoT est fondamental pour assurer son développement. Quelles sont les bonnes pratiques à mettre en oeuvre ?
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