DavidFayon,
Directeur deprojets Innovation
Les données, le carburant du XXIe siècle
Période
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1945-1985
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1985-2005
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Depuis 2005
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Ère
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Matériel
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Logiciel
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Données
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Leader
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IBM
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Microsoft
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Google
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Surnom du leader
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Big blue
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Big green
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Big white
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Challenger
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Apple
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Linux
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Facebook
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Nouveau paradigme du challenger
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Ergonomie et interface homme-machine
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Logiciel libre ou « open source »
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Exploitation des données à des fins de ciblage marketing
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[source : Made in Silicon Valley, Du numérique en Amérique, David Fayon, 2017, Pearson
Le cœur du Web power
En fait, la plupart des innovations expliquant les
transformations digitales viennent des Etats-Unis et plus particulièrement de
la Californie et notamment la zone se trouvant au sud de San Francisco. La
Silicon Valley est le cœur
de
l’innovation : Google est à Mountain View, Apple est à Cupertino, Facebook
à Menlo Park, Netflix à Los Gatos, … C’est un véritable écosystème. Il y a deux
exceptions avec deux entreprises parmi les GAFAM et les NATU qui n’ont pas leur
siège dans la Silicon Valley ou San Francisco mais dans l’Etat de Washington :
Microsoft et Amazon. Notons le développement de la Chine avec les BATHX et un
monde numérique bipolaire entre Etats-Unis et Chine.
Cependant dans le monde technologique il n’y a pas que
des succès. Il existe aussi de nombreux échecs. Quelques-uns sont restés
célèbres. Ainsi dans les années 1970 Xerox avait créé à Palo Alto un centre de
recherche exceptionnel le PARC - le Palo Alto Research Center - qui avait
pour mission d’imaginer le bureau du futur. Ils ont inventé le mode graphique, les
fenêtres, les icônes, le pilotage par la souris, … mais c’est Apple qui a créé
le Macintosh.
Autre échec célèbre : Nokia et le smartphone.
Dans les années 1980-1990 cette firme était un des leaders mondiales des
téléphones portables. Lorsque Apple a lancé en 2007 l’iPhone les dirigeants de
Nokia ont ignoré le smartphone. Quelques années après ils ont été contraint de
se retirés du marché des téléphones portables.
Mais l’échec le plus terrible fut celui de Kodak qui
était le leader mondial de la photo en dominant le marché des pellicules et des
appareils photos. La caméra numérique a été inventée dans ses laboratoires en
1975 mais ils n’y ont pas cru. Ils ont disparu.
Aujourd’hui tous les constructeurs automobiles sont menacés par le succès de Tesla. Les grands constructeurs comme Renault ou PSA ont dû mettre en œuvre une stratégie de diversification vers le véhicule électrique de peur de se faire « uberiser ». Mais Tesla n’est pas seul et les GAFA qui ont très faim préparent aussi des véhicules électriques à conduite automatique. Ce sont de véritables prédateurs et pour se développer mettent en œuvre une puissante intégration horizontale. Et derrière les GAFAM il y a les BATHX (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi) qui ont aussi des dents longues et qui visent, entre autres, les marchés européens.
Les transformations liées au numérique
Toutes les entreprises, les administrations et les
associations sont concernées par leur transformation numérique et la mettent
plus ou moins en œuvre. Elle repose au préalable sur trois principes :
·
L’automatisation d’un
grand nombre d’opérations qui jusqu’alors étaient faites par des opérateurs
comme la passation de commande avec des bordereaux. Cela concerne aussi des
opérations sur des chaînes de montage réalisées à présent par des robots.
·
La dématérialisation de
tous les documents. Il n’y a plus aucun papier. Toutes les opérations se font
sur PC sans production de documents papier. Tous les documents nécessaires aux
opérations sont numérisés et toutes les archives sont numérisées et sont en
ligne permettant d’effectuer des traitements automatiques rapides et de
nouvelles opérations jadis fastidieuses (résumé automatique, statistiques,
corrélations, etc.).
·
La désintermédiation qui
permet de supprimer l’intervention d’acteurs intermédiaires n’apportant pas de valeur
ajoutée au processus. Il est ainsi possible de mettre en contact direct le
producteur et le consommateur. Le succès des plateformes repose sur la
désintermédiation.
Ces
trois ruptures offrent des opportunités pour que de nouveaux entrants prennent
possessions des marchés traditionnels et créent de nouveaux marchés. Ils
risquent de perturber les intervenants traditionnels comme ce fut le cas
d’Uber, d’Airbnb, des acteurs de la blockchain, etc.
Dans ces conditions les organisations traditionnelles doivent se repenser et se disrupter elles-mêmes. Elles doivent repenser leur business models, leur offre, leurs processus, … Sans cela elles risquent de faire ubériser voire « kodakiser ». Elles doivent développer la coopétition, en acceptant le risque de cannibalisation des produits/services traditionnels par les nouveaux sans cela elles ne seront pas capables de faire face à une concurrence de plus en plus féroce.
But de la transformation digitale
La transformation numérique a pour principal objectif
d’augmenter la valeur des produits et des services fournis par l’entreprise en
améliorant la valeur de l'information dans son offre. Elle va pour cela agir
dans trois domaines :
·
Les données qui se trouvent au cœur du
processus,
·
Les clients et les prospects qui sont au
centre,
·
En développant la dimension immatérielle
de l’offre. Plus elle est importante plus la valeur apportée par la
transformation sera importante.
Elle va pour cela développer des API qui sont au cœur
de son métier. C’est la base du développement du mouvement de plateformisation
qui se traduit par l’apparition d’un véritable écosystème de
« métayers » qui permettent de créer un univers numérique autour d’un
acteur dominant.
Il faut aussi veiller à développer l’omnicanalité afin
que le client ou le prospect puisse recourir à la plateforme de la manière
qu’il souhaite au moment où il le souhaite.
Ce sont des mutations considérables pour les organisations traditionnelles. Avant de pouvoir les transformer il est nécessaire de poser un diagnostic sur son degré de maturité numérique. Il est pour cela nécessaire d’avoir une méthode d’évaluation. C’est le rôle du modèle DIMM, Digital Internet Maturity Model.
Connais-toi toi-même !
Cette démarche va consister à positionner l’organisation en matière de numérique/digital par rapport aux autres. Est-elle en avance ou en retard ? Quelles sont ses marges de progrès ? Il faut ensuite être capable de définir le ou les domaines où va porter la transformation digitale : quels sont les produits, les services, les clients et les processus concernés ?
Sur cette base il va être possible de définir une
stratégie permettant d’atteindre ces objectifs dans les délais les plus courts
possibles.
Cette démarche revient à évaluer le positionnement de l’organisation par rapport à ses concurrents mais aussi des clients, ses partenaires et ses fournisseurs.
Mesurer le niveau de maturité numérique d’une entreprise à un instant donné
Pour évaluer le degré de maturité d’une entreprise
nous avons développé une démarche basée sur 6 leviers qui chacune comprend un
certain nombre de groupements décomposés en indicateurs :
-
La stratégie,
-
L’organisation,
-
Le personnel,
-
L’offre,
-
La technologie et l’innovation,
-
L’environnement.
L’évaluation de chaque levier se fait à l’aide
d’indicateurs qui sont évalués de 0 à 5. 0 correspond à « incomplet »
et 5 si la situation est « optimale ». Au total nous avons défini 113
indicateurs pour les évaluer. Pour les administrations le nombre d’indicateurs est
ramené à 92 et pour les PME à 60 pour plus de facilité de mise en œuvre.
Niveau |
Maturité |
0 |
Incomplet |
1 |
Initial |
2 |
Opportuniste |
3 |
Renouvelable |
4 |
Maîtrisé |
5 |
Optimal |
Pour atteindre un niveau n de maturité les niveaux
inférieurs doivent être atteints et de nouvelles exigences spécifiques au niveau
n doivent être satisfaites.
Les six leviers se décomposent en 20 groupements et
chacun comprenne entre 2 à 10 indicateurs.
Leviers |
Groupements |
Nombre
d’indicateurs |
Stratégie |
|
|
|
Plan Stratégique |
3 |
|
Veille |
3 |
|
Excellence
économique |
7 |
|
|
Indicateurs de
stratégie : 13 |
Organisation |
|
|
|
Gouvernance |
10 |
|
Management |
5 |
|
Structures
numériques |
6 |
|
|
Indicateurs
d’organisation : 21 |
Personnel |
|
|
|
Formation |
7 |
|
Intelligence collective |
8 |
|
Expertise |
6 |
|
|
Indicateurs du
Personnel : 21 |
Offre |
|
|
|
Innovation et
conception |
5 |
|
Commercial |
6 |
|
Marketing |
7 |
|
Expérience
client |
4 |
|
|
Indicateurs de
l’Offre : 22 |
Technologie et
Innovation |
|
|
|
Architecture |
8 |
|
Orientation
client |
8 |
|
Standards |
3 |
|
Productivité |
6 |
|
|
Indicateurs
Technologie : 25 |
Environnement |
|
|
|
Economique |
6 |
|
Réglementaire |
2 |
|
Lobbying |
3 |
|
|
Indicateurs
Environnement : 11 |
Une échelle d’évaluation
et un exemple d’indicateur
On évalue chaque indicateur selon une échelle allant
de 1 à 5. Par exemple pour évaluer l’indicateur relatif aux données dans le
cloud (numéroté TIA5 pour Levier Technologie & Innovation, Groupement
Architecture, Numéro 5), on a la description des niveaux suivants :
1. « L’organisation
utilise des offres basées sur le cloud pour la gestion d’une partie de
ses données et permettre un décloisonnement en interne et davantage d’agilité
vis-à-vis des clients avec une vision de bout en bout des transactions métiers
en quasi temps-réel. Le besoin d’en connaître est respecté en matière
d’habilitation des accès aux données. Un contrat est souscrit avec des
dispositifs de sécurité prévus quel que soit le type de cloud choisi
(public, privé, hybride). Les obligations juridiques (par exemple liées à la
localisation des serveurs) sont respectées. Au niveau de la direction du
système d’information (ou informatique), au moins 20 % des environnements de
production sont dans le cloud.
2.
Pour l’utilisation du cloud,
l’ensemble des questions d’ordre juridique et de conformité sont adressées. Les
menaces inhérentes au cloud sont analysées avec des contre-mesures -
notamment juridiques - mises en place.
3.
Les données hébergées dans le cloud
se trouvent sur des serveurs basés sur le sol communautaire (ce qui permet de
mieux les maîtriser par rapport à des questions de souveraineté vis-à-vis des
Etats-Unis et de l’Asie notamment). Les contrats sont clairement établis avec
les tiers et les prestataires ainsi que les clauses en cas d’attaques ou
d’actes malveillants affectant l’intégrité, la disponibilité, la
confidentialité et l’imputabilité des données. Les prestataires proposant des
offres cloud répondent aux normes de sécurité de type ISO (27001,
27017 et 27018). Au niveau de la direction du système d’information (ou
informatique), au moins 50 % des environnements de production sont dans le cloud.
4.
Les actions en back office sont
automatisées grâce au cloud (par exemple gestion des contrats). Au
niveau de la direction
5.
du
système d’information (ou informatique), au moins 75 % des environnements de
production sont dans le cloud.
6.
Des prestations stratégiques en matière de
cloud sont internalisées pour en conserver la maîtrise. L’organisation
recourt également à des clouds publics afin de disposer de puissance de
calcul, d’interagir avec un écosystème et d'absorber les pics de charge. »
Pour qu’une politique de
cloud soit de niveau 4 elle doit satisfaire préalablement les niveaux 1, 2 et
3.
L’ensemble du modèle, ses leviers et indicateurs est
librement utilisable pour tout diagnostic de maturité numérique. Il est décrit
dans le livre Transformation digitale 2.0, de David Fayon
et Michaël Tartar, Pearson, 2019.
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