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lundi 29 mars 2021

Méthode pour évaluer le degré de maturité numérique d'une entreprise en vue d’effectuer sa transformation digitale

                                                                   DavidFayon,
                                                                   Directeur deprojets Innovation
                                                                 

                                                                                               

Les données, le carburant du XXIe siècle

Pendant longtemps la technologie a dominé l’informatique avec le poids des ordinateurs dans la valeur ajoutée globale. La première étape de son histoire s’étale de 1945 à 1985 et elle est dominée par le matériel et particulièrement les grands systèmes notamment les mainframes d’IBM (360, 370). La deuxième est l’époque du logiciel. Elle va de 1985 à 2005. C’est la période du développement de Microsoft. La 3ème grande étape est celle des données. C’est le règne de Google et de Facebook. Nous vivons la 3ème ère de l’informatique. 


Période

1945-1985

1985-2005

Depuis 2005

Ère

Matériel

Logiciel

Données

Leader

IBM

Microsoft

Google

Surnom du leader

Big blue

Big green

Big white

Challenger

Apple

Linux

Facebook

Nouveau paradigme du challenger

Ergonomie et interface homme-machine

Logiciel libre ou « open source »

Exploitation des données à des fins de ciblage marketing

[source : Made in Silicon Valley, Du numérique en Amérique, David Fayon, 2017, Pearson 

On assiste actuellement à une convergence de l’énergie, des transports et des télécommunications et l’apparition de nouveaux usages comme celui des smart cities. Dans ce contexte, on constate que les ressources matérielles sont limitées, mais que les ressources immatérielles sont a priori infinies.

Le cœur du Web power 

En fait, la plupart des innovations expliquant les transformations digitales viennent des Etats-Unis et plus particulièrement de la Californie et notamment la zone se trouvant au sud de San Francisco. La Silicon Valley est le cœur de l’innovation : Google est à Mountain View, Apple est à Cupertino, Facebook à Menlo Park, Netflix à Los Gatos, … C’est un véritable écosystème. Il y a deux exceptions avec deux entreprises parmi les GAFAM et les NATU qui n’ont pas leur siège dans la Silicon Valley ou San Francisco mais dans l’Etat de Washington : Microsoft et Amazon. Notons le développement de la Chine avec les BATHX et un monde numérique bipolaire entre Etats-Unis et Chine.

 


 La transformation des entreprises, une approche darwinienne 

Cependant dans le monde technologique il n’y a pas que des succès. Il existe aussi de nombreux échecs. Quelques-uns sont restés célèbres. Ainsi dans les années 1970 Xerox avait créé à Palo Alto un centre de recherche exceptionnel le PARC - le Palo Alto Research Center - qui avait pour mission d’imaginer le bureau du futur. Ils ont inventé le mode graphique, les fenêtres, les icônes, le pilotage par la souris, … mais c’est Apple qui a créé le Macintosh.

Autre échec célèbre : Nokia et le smartphone. Dans les années 1980-1990 cette firme était un des leaders mondiales des téléphones portables. Lorsque Apple a lancé en 2007 l’iPhone les dirigeants de Nokia ont ignoré le smartphone. Quelques années après ils ont été contraint de se retirés du marché des téléphones portables.

Mais l’échec le plus terrible fut celui de Kodak qui était le leader mondial de la photo en dominant le marché des pellicules et des appareils photos. La caméra numérique a été inventée dans ses laboratoires en 1975 mais ils n’y ont pas cru. Ils ont disparu.    

Aujourd’hui tous les constructeurs automobiles sont menacés par le succès de Tesla. Les grands constructeurs comme Renault ou PSA ont dû mettre en œuvre une stratégie de diversification vers le véhicule électrique de peur de se faire « uberiser ». Mais Tesla n’est pas seul et les GAFA qui ont très faim préparent aussi des véhicules électriques à conduite automatique. Ce sont de véritables prédateurs et pour se développer mettent en œuvre une puissante intégration horizontale. Et derrière les GAFAM il y a les BATHX (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi) qui ont aussi des dents longues et qui visent, entre autres, les marchés européens. 

Les transformations liées au numérique 

Toutes les entreprises, les administrations et les associations sont concernées par leur transformation numérique et la mettent plus ou moins en œuvre. Elle repose au préalable sur trois principes :

·         L’automatisation d’un grand nombre d’opérations qui jusqu’alors étaient faites par des opérateurs comme la passation de commande avec des bordereaux. Cela concerne aussi des opérations sur des chaînes de montage réalisées à présent par des robots.

·         La dématérialisation de tous les documents. Il n’y a plus aucun papier. Toutes les opérations se font sur PC sans production de documents papier. Tous les documents nécessaires aux opérations sont numérisés et toutes les archives sont numérisées et sont en ligne permettant d’effectuer des traitements automatiques rapides et de nouvelles opérations jadis fastidieuses (résumé automatique, statistiques, corrélations, etc.).

·         La désintermédiation qui permet de supprimer l’intervention d’acteurs intermédiaires n’apportant pas de valeur ajoutée au processus. Il est ainsi possible de mettre en contact direct le producteur et le consommateur. Le succès des plateformes repose sur la désintermédiation.

Ces trois ruptures offrent des opportunités pour que de nouveaux entrants prennent possessions des marchés traditionnels et créent de nouveaux marchés. Ils risquent de perturber les intervenants traditionnels comme ce fut le cas d’Uber, d’Airbnb, des acteurs de la blockchain, etc.

Dans ces conditions les organisations traditionnelles doivent se repenser et se disrupter elles-mêmes. Elles doivent repenser leur business models, leur offre, leurs processus, … Sans cela elles risquent de faire ubériser voire « kodakiser ». Elles doivent développer la coopétition, en acceptant le risque de cannibalisation des produits/services traditionnels par les nouveaux sans cela elles ne seront pas capables de faire face à une concurrence de plus en plus féroce. 

But de la transformation digitale 

La transformation numérique a pour principal objectif d’augmenter la valeur des produits et des services fournis par l’entreprise en améliorant la valeur de l'information dans son offre. Elle va pour cela agir dans trois domaines :

·         Les données qui se trouvent au cœur du processus,

·         Les clients et les prospects qui sont au centre,

·         En développant la dimension immatérielle de l’offre. Plus elle est importante plus la valeur apportée par la transformation sera importante.

Elle va pour cela développer des API qui sont au cœur de son métier. C’est la base du développement du mouvement de plateformisation qui se traduit par l’apparition d’un véritable écosystème de « métayers » qui permettent de créer un univers numérique autour d’un acteur dominant.

Il faut aussi veiller à développer l’omnicanalité afin que le client ou le prospect puisse recourir à la plateforme de la manière qu’il souhaite au moment où il le souhaite.

Ce sont des mutations considérables pour les organisations traditionnelles. Avant de pouvoir les transformer il est nécessaire de poser un diagnostic sur son degré de maturité numérique. Il est pour cela nécessaire d’avoir une méthode d’évaluation. C’est le rôle du modèle DIMM, Digital Internet Maturity Model. 

Connais-toi toi-même !

Cette démarche va consister à positionner l’organisation en matière de numérique/digital par rapport aux autres. Est-elle en avance ou en retard ? Quelles sont ses marges de progrès ? Il faut ensuite être capable de définir le ou les domaines où va porter la transformation digitale : quels sont les produits, les services, les clients et les processus concernés ?

Sur cette base il va être possible de définir une stratégie permettant d’atteindre ces objectifs dans les délais les plus courts possibles.

Cette démarche revient à évaluer le positionnement de l’organisation par rapport à ses concurrents mais aussi des clients, ses partenaires et ses fournisseurs.

Mesurer le niveau de maturité numérique d’une entreprise à un instant donné 

Pour évaluer le degré de maturité d’une entreprise nous avons développé une démarche basée sur 6 leviers qui chacune comprend un certain nombre de groupements décomposés en indicateurs :

-        La stratégie,

-        L’organisation,

-        Le personnel,

-        L’offre,

-        La technologie et l’innovation,

-        L’environnement.

L’évaluation de chaque levier se fait à l’aide d’indicateurs qui sont évalués de 0 à 5. 0 correspond à « incomplet » et 5 si la situation est « optimale ». Au total nous avons défini 113 indicateurs pour les évaluer. Pour les administrations le nombre d’indicateurs est ramené à 92 et pour les PME à 60 pour plus de facilité de mise en œuvre.

 

   Niveau

Maturité

0

Incomplet

1

Initial

2

Opportuniste

3

Renouvelable

4

Maîtrisé

5

Optimal

 

Pour atteindre un niveau n de maturité les niveaux inférieurs doivent être atteints et de nouvelles exigences spécifiques au niveau n doivent être satisfaites.

 

Les six leviers se décomposent en 20 groupements et chacun comprenne entre 2 à 10 indicateurs.

 

Leviers

Groupements

Nombre d’indicateurs

Stratégie

 

 

 

Plan Stratégique

3

 

Veille

3

 

Excellence économique

7

 

 

Indicateurs de stratégie : 13

Organisation

 

 

 

Gouvernance

10

 

Management

5

 

Structures numériques

6

 

 

Indicateurs d’organisation : 21

Personnel

 

 

 

Formation

7

 

Intelligence collective

8

 

Expertise

6

 

 

Indicateurs du Personnel : 21

Offre

 

 

 

Innovation et conception

5

 

Commercial

6

 

Marketing

7

 

Expérience client

4

 

 

Indicateurs de l’Offre : 22

Technologie et Innovation

 

 

 

Architecture

8

 

Orientation client

8

 

Standards

3

 

Productivité

6

 

 

Indicateurs Technologie : 25

Environnement

 

 

 

Economique

6

 

Réglementaire

2

 

Lobbying

3

 

 

Indicateurs Environnement : 11

 

Une échelle d’évaluation et un exemple d’indicateur

 

On évalue chaque indicateur selon une échelle allant de 1 à 5. Par exemple pour évaluer l’indicateur relatif aux données dans le cloud (numéroté TIA5 pour Levier Technologie & Innovation, Groupement Architecture, Numéro 5), on a la description des niveaux suivants :

1.    « L’organisation utilise des offres basées sur le cloud pour la gestion d’une partie de ses données et permettre un décloisonnement en interne et davantage d’agilité vis-à-vis des clients avec une vision de bout en bout des transactions métiers en quasi temps-réel. Le besoin d’en connaître est respecté en matière d’habilitation des accès aux données. Un contrat est souscrit avec des dispositifs de sécurité prévus quel que soit le type de cloud choisi (public, privé, hybride). Les obligations juridiques (par exemple liées à la localisation des serveurs) sont respectées. Au niveau de la direction du système d’information (ou informatique), au moins 20 % des environnements de production sont dans le cloud.

2.    Pour l’utilisation du cloud, l’ensemble des questions d’ordre juridique et de conformité sont adressées. Les menaces inhérentes au cloud sont analysées avec des contre-mesures - notamment juridiques - mises en place.

3.    Les données hébergées dans le cloud se trouvent sur des serveurs basés sur le sol communautaire (ce qui permet de mieux les maîtriser par rapport à des questions de souveraineté vis-à-vis des Etats-Unis et de l’Asie notamment). Les contrats sont clairement établis avec les tiers et les prestataires ainsi que les clauses en cas d’attaques ou d’actes malveillants affectant l’intégrité, la disponibilité, la confidentialité et l’imputabilité des données. Les prestataires proposant des offres cloud répondent aux normes de sécurité de type ISO (27001, 27017 et 27018). Au niveau de la direction du système d’information (ou informatique), au moins 50 % des environnements de production sont dans le cloud.

4.    Les actions en back office sont automatisées grâce au cloud (par exemple gestion des contrats). Au niveau de la direction

5.     du système d’information (ou informatique), au moins 75 % des environnements de production sont dans le cloud.

6.    Des prestations stratégiques en matière de cloud sont internalisées pour en conserver la maîtrise. L’organisation recourt également à des clouds publics afin de disposer de puissance de calcul, d’interagir avec un écosystème et d'absorber les pics de charge. »

 

Pour qu’une politique de cloud soit de niveau 4 elle doit satisfaire préalablement les niveaux 1, 2 et 3.

 

L’ensemble du modèle, ses leviers et indicateurs est librement utilisable pour tout diagnostic de maturité numérique. Il est décrit dans le livre Transformation digitale 2.0, de David Fayon et Michaël Tartar, Pearson, 2019.

 



 

 

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