Par Bernard Quinio
La transformation digitale peut-elle permettre aux entreprises en place de répondre aux attaques des nouveaux barbares ? Nous répondons à cette question en passant par une clarification de ce qu’est la transformation digitale puis en catégorisant les attaques des Uber, Booking et autres nouveaux arrivants.
Définir la transformation digitale
On
peut transformer par le digital une entreprise par deux voies distinctes et
complémentaire :
1.
Augmenter
la valeur crée. Tout produit ou tout service a une composante
informationnelle plus ou moins importante. On peut donc ajouter de la valeur à
ce produit ou service en utilisant les technologies digitales. C’est la balance
qui mémorise les évolutions du poids ou le nouveau service bancaire
personnalisé.
2. Augmenter la performance des activités de
l’entreprise. Toute activité réalisée dans l’entreprise a une composante
informationnelle qui peut être digitalisée pour en améliorer la performance
(efficience et/ou efficacité). C’est l’accélération du SAV, l’amélioration de
la production et même le management
digital cher à Olivier Zarra.
Une entreprise peut décider de se transformer en suivant ces
deux voies mais ce n’est pas obligatoire. On peut vendre des produits tout numérique
tout en étant peu digital dans ces activités et inversement, vendre des
parpaings de bétons par des canaux purement digitaux.
Les différentes étapes de la transformation
digitale
La
mise en place de la transformation digitale est un processus qui peut être long.
On peut distinguer cinq étapes qui reflètent le degré de maturité de
l’entreprise dans le domaine du numérique :
1.
Croire
dans le déterminisme technologique. C’est la première étape de la
transformation numérique ; le niveau zéro. Elle consiste à croire que
c’est simplement une affaire de technologie, qu’en installant un réseau social
interne on va développer par magie la communication horizontale ou qu’en
donnant des tablettes à des commerciaux on va toucher les clients plus jeunes.
Cette croyance est un leurre mis en avant par les fournisseurs de technologie.
2.
Initier
les usages. Cette étape consiste à mettre à disposition des outils digitaux
puis de laisser faire des expérimentations tout en observant de ce qui se
passe. Les expériences sont encouragées ou à minima non bloquées. C’est, par
exemple, une nouvelle application mobile développé en quelques jours pour les
clients ou un mini réseau monté via une application de messagerie instantanée
pour un groupe de salariés.
3.
Développer
les usages. On va pour cela s’attacher à analyser les processus métiers où
les outils digitaux peuvent intervenir. Ensuite on va mettre en place des nouveaux
dispositifs en respectant des règles de sécurité et d’intégration. Pour qu’ils
soient rapidement disponibles cela doit se faire en mode agile. On peut toucher
là les deux voies de la transformation digitale : valeur ajoutée du
produit ou performance des activités de l’entreprise.
4.
Organiser
et manager. Les outils digitaux mis permettent d’améliorer le management,
la coordination et la coopération. C’est là le domaine du management digital.
Si de nouveaux modes de coordination et de collaboration ou tout simplement de
travail ne sont pas mis en place, il est peu probable que les gains escomptés
seront au rendez-vous.
5.
Identifier
des nouveaux « business model » reposant sur le numérique. C’est
la possibilité de réinventer une partie de l’activité de l’entreprise en se
basant sur les améliorations apportées aux produits ou aux activités. Ce n’est
pas une étape obligatoire et peu d’entreprises classiques y sont arrivées. On
peut penser aux récentes annonces dans le monde des assurances (Axa par
exemples).
La majorité des
entreprises devraient être au niveau 4 mais le plus important est d’avoir fait
le premier pas et d’avoir un temps d’avance sur ses concurrents directs.
Les entreprises classiques attaquées par
les nouveaux barbares
Christophe Legrenzi et Catherine Gapaillard
constataient en 2015 dans un post du blog Gouvsi que:
« Dans le passé :
-
L’industrie de la musique s’est fait
« naspteriser ».
-
L’industrie de l’audio-visuel s’est fait « youtubiser »
et finalement « netflixiser ».
-
Le monde de l’édition, puis celui de la
distribution, s’est fait « amazoniser ».
-
La presse s’est fait « googliser ».
-
L’industrie de la connaissance s’est fait
« wikipédier ».
-
L’hôtellerie s’est fait « airbndbiser ».
A qui le tour maintenant
? »
Toutes
les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité, savent qu’elles sont
menacées par ces nouveaux entrants qui sont tous au niveau 5 précédent. En
partant de l’analyse
de Jérôme Wallut, on peut identifier trois types d’attaques possibles :
1.
Le
substitut. C’est la situation des taxis attaqués par Uber ou l’hôtellerie
mise à mal par Airbnb. Ils font le même métier que les entreprises du secteur mais,
grâce au digital, ils agissent de manière radicalement nouvelle et en
s’affranchissant des règles de base. C’est une attaque frontale.
2.
L’intermédiaire.
Il s’insère entre le client et l’entreprise en proposant de nouveaux services.
Les références sont Booking ou Captain Train. Booking a réussi à couper le lien
entre le client et l’hôtelier ce qui lui permet d’exiger des remises
importantes et il a même tenté d’interdire aux hôteliers de vendre en direct.
3. Le complémentaire. Ces stratups proposent
des nouveaux services dépendants de l’activité de l’entreprise. C’est par
exemple Zenpark qui loue des parkings privés
pendant que le propriétaire est en voyage ou au travail. Pour y arriver il est
nécessaire d’avoir une véritable logistique pour permettre l’accès au parking
et pour gérer les codes d’accès.
Une
entreprise classique attaquée par une start-up a plusieurs manières de réagir,
nous les rattachons à chaque type d’attaque :
1. Le substitut. La première réaction est
d’agir en justice pour bloquer ou plutôt freiner le perturbateur. C’est le cas
des taxis face à Uber. L’autre stratégie est de procéder à une transformation
digitale de l’entreprise en revoyant son mode de fonctionnement et ses
processus métiers. C’est une opération souvent longue.
2. L’intermédiaire. En réponse à cette attaque
l’entreprise doit surtout être rapide et développer des approches nouvelles pour
reprendre le contact avec ses clients. Cela se fera souvent par une équipe
réduite travaillant en mode commando ou par le biais d’une filiale créée pour
l’occasion. C’est ce qu’on fait des entreprises comme la SNCF ou certaines
grandes banques.
3. Le complémentaire. Dans ce cas il peut
être utile de faire appel à de l’Open Innovation en invitant des startups à
venir travailler avec les laboratoires ou les équipes marketing de
l’entreprise. L’objectif est d’apporter des idées et des démarches originales
en échange de moyens de travailler. C’est ce que font les grandes banques et
les grands distributeurs.
Comme
on le voit ces trois modes de réaction sont trois modes de transformation
digitale, soit en interne, soit par une filiale, soit par l’entremise d’une
startup : on se transforme là numériquement par procuration.
Le
choix de déléguer la transformation digitale à un tiers, comme dans l’open
innovation, n’est pas sans risque. Les différences culturelles sont telles
entre des grands groupes et les startups que les échecs sont nombreux. On peut
même se demander, comme Jon Evans
dans Techcrunch, si ce n’est pas un moyen pour les grandes entreprises du
Cac 40 de tuer les startups les plus dangereuses.
La
transformation digitale est bien un moyen de résister à l’attaque des nouveaux
barbares. Mais pour les entreprises classiques cela exige un réel effort de
transformation interne, vouloir le déléguer entièrement à des tiers externes
c’est sans doute tricher pour de bonnes ou mauvaises raisons.
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