Par Daniel Bretonnes
Les MOOC, Massive
Open Online Course ([1]),
sont apparus en 2011 aux USA et ont rapidement connu un succès important.
L’idée de former à distance grâce à Internet des milliers, voire des dizaines
de milliers d’étudiants, est séduisante et un g[2]rand
nombre d’universités américaines se sont lancées dans cette aventure
comme : Stanford, Harvard, MIT, Berkeley, l’Université de Pennsylvanie, le Caltech, l’ Université du Texas d’Austin, la San Jose State University,... Pour fournir
les ressources techniques et logiciels nécessaires de nombreuses plateformes ont
été créées comme Coursera (), edX, Udacity,…
La vague est
arrivée en France en 2013-2014. Dès 2013, on a suivi les américains. Les
premiers à s’être lancé sont des écoles comme Télécom Bretagne, Centrale
Nantes, Centrale Lille, … Très vite le ministère de l’Enseignement supérieur et
de la Recherche a mis en place une plateforme appelée FUN pour France Université Numérique mais il existe
de nombreuses autres plateformes comme Open Classrooms ou Sillages.info. Cette
dernière est une émanation la Conférence des Grandes Ecoles. Un certain
nombre d’Ecoles ou d’Université ont développé des MOOC comme l’Ecole
Polytechnique, HEC, le CNAM, l’ESSEC, CentralSupélec, les INSA dont celui de Toulouse, Paris
1 Panthéon-Sorbonne, l’Université Lille 1, l’Ecole de Management de Lyon et
celle de Grenoble, …
Comme on le voit
la première génération de MOOC est apparu dans un cadre universitaire. La
réalisation de cours et leur diffusion sur Internet est une chose mais arriver
à certifier un grand nombre d’étudiants est une opération plus délicate.
Résultat : on constate des taux d’abandon très élevés compris entre 92 et
97 %. Ceci amène à s’interroger sur l’efficacité de ces nouveaux outils ? Est-ce
que les usages actuels sont adaptés à la nature de l’outil ? Quel est leur
impact pédagogique ? Et finalement quelle est leur rentabilité ?
L’enseignement à distance
Cela fait de
nombreuses années qu’on utilise la vidéo pour diffuser des cours. Pendant
longtemps cela s’est fait avec des cassettes VHS puis avec des CD. Dans les
années 90 on a assisté au développement de l’EAO (Enseignement Assisté par
Ordinateur) utilisant les possibilités offertes par les micro-ordinateurs pour
développer des logiciels permettant d’effectuer des exercices pédagogiques
proche de l’enseignement programmé. Dans
les années 2000 ce mouvement déboucha sur l’e-learning qui consiste à utiliser
les possibilités du Web pour fournir de la formation à distance et à la demande.
Cette évolution s’est
traduite par le développement des LMS, les Learning Management System. Ce sont
des systèmes de gestion des contenus (CMS) orientés vers la pédagogie avec des
fonctions comme la gestion de la formation, la gestion des résultats, la diffusion
de contenus préétablis, l’ordonnancement de modules de formation, …. C’est le
système de gestion qui est à la base de tous les MOOC.
J’ai participé il
y a quelques années dans le cadre de l’ESCEM à un MBA international avec des
étudiants se trouvant dans de nombreux pays situés sur les cinq continents. Les
promotions étaient chaque année d’une quinzaine d’étudiants. Il y avait même
quelques français. L’ensemble des cours étaient fait en anglais, ou plutôt en
américain. Presque tout l’enseignement se faisait à distance. Ils disposaient
de courtes vidéos, des diapositives commentées (slides), des textes, des
exercices, …. Une fois au cours du cycle on les regroupait tous pendant un
mois. Le face à face est indispensable pour faire en commun la synthèse des
connaissances acquises. Les contrôles se faisaient à distance avec des QCM mais
aussi avec la rédaction de cas extraits du manuel de référence. Le mélange de
présentiel et de distanciel est la clé du succès. Ce MBA a bien fonctionné
pendant des années et s’est arrêté pour des raisons interne à l’Ecole alors
qu’il y avait une forte demande internationale.
Certifier des étudiants par les MOOC
Comme on le voit
on a fait des MOOC avant que le terme existe. L’originalité de la démarche est
de proposer des cours gratuits, ou quasi-gratuits, et de permettre une
certification des étudiants pour un coût modeste compris entre 40 et 90
dollars. Le contenu pédagogique est simplement un professeur qui fait son cours
à sa manière comme il le fait en amphi. Parfois il est directement enregistré
en amphi. En fin de chaque cours il propose quelques questions pour que
l’étudiant s’assure qu’il a bien compris. En fait c’est la reprise sous une
autre forme des manuels américains qui depuis de très nombreuses années
incluent à la fin de chaque chapitre des questions et des exercices pour
assurer une progression continue de l’étudiant.
Dans le cas des
MOOC le rôle du professeur change un peu grâce aux Tchats en synchrone et aux
forums en asynchrone. Les étudiants posent des questions et le professeur
répond. Il peut aussi orienter les travaux. Cette participation peut
représenter une partie de la note finale. Dans le cas du MBA au quel j’ai
participé cette contribution représentait 10 % de la note. La seule difficulté
est de gérer le mode asynchrone car quand on a des étudiants se trouvant à
l’autre bout du monde il est difficile d’avoir un véritable dialogue : il
pose une question, on lui répond le lendemain matin et il lit la réponse le
lendemain soir.
En fait la
principale innovation des MOOC est de certifier à distance les étudiants mais,
il faut bien le reconnaître, les résultats ne sont pas à la hauteur des
espérances.
La situation actuelle
En effet, sur ce
point les résultats des MOOC ne sont pas brillants. D’abord 90 % des étudiants
commençant un cours ne le terminent pas. Ce taux est très élevé mais on sait
depuis longtemps que la formation à distance et les cours du soir souffrent d’un
taux d’attrition élevé. Ceci explique, en grande partie, le taux d’abandon
élevé. Mais surtout le taux d’échec au contrôle final est anormalement élevé
avec un taux de 90 % des 10 % allant au bout du cursus. Ceci fait que seulement
1 % des inscrits sont certifiés. Ce n’est pas brillant ! C’est un modèle
perdant !
Pourtant les plus
grandes universités américaines se sont lancées dans le développement de MOOC. Mais,
il faut le savoir, leur but n’est pas de former de nouveaux étudiants se
trouvant à l’autre bout du monde. En réalité l’objectif de ces grands acteurs est
d’attirer de nouveaux étudiants à fort potentiels. Cela leur permet de détecter
des personnes qui ne se seraient jamais manifestées à cause de la distance et
de leurs faibles ressources. Grâce à Internet et notamment à des réseaux WiMax,
très répandus dans les pays du tiers monde, il est possible à des personnes se trouvant
sur d’autres continents de montrer leurs compétences. Ensuite l’université où
l’école leur trouve une bourse et ils peuvent alors venir aux USA. En fait
c’est une vitrine pour attirer le chaland !
En réalité les
MOOC ne fonctionnent pas correctement avec le public des étudiants car ceux-ci ont
besoin des échanges avec les autres étudiants, de la mise en concurrence les
uns avec les autres (c’est le fameux « esprit concours ») mais aussi
les pots entre étudiant à l’annexe, … Une formation réussie n’est pas
uniquement une affaire de transmission et de contrôle des connaissances. Tous
les enseignants le savent.
Les grandes entreprises sont le futur
marché des MOOC
Paer contre il y
a un autre domaine où les MOOC sont intéressants. C’est le domaine des
COOC : les Corporate Open Online Course. Dans les grandes entreprises il
est nécessaire de former d’importantes populations se trouvant dans de nombreux
établissements répartis sur tout le territoire et dans de nombreux pays
étranger.
Pour y arriver ces
entreprises ont mis en place depuis des années des plateformes comprenant des
cours, des vidéos, des chats, des blogs, des wiki,… La BNP a ainsi développé
l’an passé un remarquable cours sur le SEPA, la nouvelle procédure de virement
bancaire européen. Elle a été utilisée par la BNP mais aussi par de nombreux
autres établissements financiers.
Ces plateformes
ont pour but de développer les compétences internes. Pour cette raison elles
sont, très souvent, gérés par la DRH des entreprises. Avec les COOC les
formations sont dispensées là où se trouvent les personnes (ce qui évite les
frais de déplacement et de séjours) selon leur emploi du temps (il est ainsi
possible d’utiliser les temps morts dus à des baisses d’activité). Ces
formations sont rendues obligatoires par la DRH et le management. Elles tendent
à remplacer les universités d’entreprises crées depuis les années 90.
En France les
dépenses de formation continue s’élèvent à 35 milliards d’euros dont 13
milliards d’euros correspondent à des dépenses spécifiques de formation. Il est
probable que cette somme peut être dépensée de manière plus efficace. Dans
cette optique les COOC représentent une opportunité intéressante.
Les mêmes
plateformes peuvent aussi supporter des SPOC : Special Purpose Online
Course. Ce sont des discussions entre un groupe de personnes limités comme un
comité de direction, un comité stratégique, un ensemble de personnes chargées d’étudier
un projet, de racheter une entreprise, de lancer un nouveau produit, … Ils
permettent d’avoir des échanges d’idée. Pour cela ils utilisent la vidéo, les
chats, Skype, un wiki, … Une partie de la réflexion se fait en mode synchrone
mais la plupart des travaux se font de manière asynchrone.
Autre utilité des
MOOC : améliorer le processus de compréhension des contenus par les
étudiants. En effet le système permet de suivre le comportement des apprenants
en suivant toutes les transactions qu’ils effectuent, les retours en arrière,
les erreurs qu’ils commettent, …. Les plateformes de MOOC sont des aspirateurs
de données qui peuvent ensuite être exploitées par des outils de traitement de Méga
Données (Big Data). Il est ainsi possible de comprendre les difficultés
rencontrées par les étudiants et de corriger les points de faiblesse du cours.
Ceci permet d’améliorer la qualité de la démarche pédagogique.
En guise de conclusion
En fait, malgré
l’engouement passager, les MOOC ne sont pas adaptés aux étudiants en formation
initiale. Ils passent mal car ils ont besoin du contact avec les autres. Les
discussions, les échanges en dehors des cours, les pots, … sont nécessaires.
C’est le rôle du présentiel et il est indispensable. Par contre les MOOC
peuvent être employés comme des supers manuels avec en plus des exercices
corrigés en ligne et la vidéo.
Mais, surtout les
MOOC peuvent être utilisés dans les entreprises pour former de larges
populations de salariés. Ceci concerne les grandes entreprises, surtout celles
ayant une large implantation. Les petites entreprises et les artisans peuvent être
aussi concernés par des opérations de requalification lancées par les syndicats
professionnels ou par des opérateurs prêts à faire les investissements
nécessaires comme des syndicats professionnels, des centres techniques ou des
organismes parapubliques chargés d’aider ces entreprises.
[1]
- On peut traduire le terme MOOC en français par CLOT pour Cours en Ligne
Ouverts à Tous. Un
« Clot » signifie en anglais un caillot. On n’est pas loin de
l’embolie car il existe d’autres traductions du terme comme Formation en Ligne Ouverte
à Tous (FLOT), aussi appelée Cours en Ligne Ouvert et Massif (CLOM).
[2]
- Coursera a été créé en 2012 par deux professeurs de Stanford : Andrew Ng et Daphne Koller. Cette entreprise est financée par capital risque. Pour en
savoir plus sur Coursera voir sur Wikipédia en cliquant ici . .
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