par
Christophe Legrenzi
Les
grandes entreprises annoncent des projets ambitieux en ce domaine.
Mais en vérité elles ont du mal avec leur transformation numérique.
Le nombre des entreprises du CAC40 qui ont réussis à lancer des
produits ou des services innovants avec succès est limité. Encore
moins d’entreprises ont réussi à mettre en place une nouvelle
organisation. Pourquoi et que peut-on faire pour leur permettre de
réussir leur transformation numérique ?
- Le Paradoxe de Solow : plus que jamais d’actualité - le véritable et principal défi de la transformation numérique des organisations
Rappel
et mise en perspective du Paradoxe de Solow
Robert
Merton Solow, Prix Nobel d’Economie 1987, publia le 12 juillet dans
le New York Times une critique d’un ouvrage intitulé
‘Manufacturing
Matters: The Myth of the Post-Industrial Economy’
de Stephen Cohen et John Zysman paru le 3 juin 1987. Nous verrons que
trente ans plus tard cette analyse est d’une actualité incroyable.
Solow
reproche essentiellement aux deux spécialistes d’économie
internationale à Berkeley de ‘se défiler’ lorsqu’ils
constatent que l’industrie américaine n’a pas été en mesure de
capitaliser sur la révolution technologique, en particulier
l’automatisme.
D’autant plus qu’ils affirment dans leur livre : ‘Nous
n’avons pas à montrer que les nouvelles technologies constituent
une rupture avec les modèles passés de la croissance de la
productivité’ …/… Celle-ci est due non seulement sur le
potentiel que représentent les technologies, mais plutôt sur
comment elles sont réellement utilisées’.
Le
commentaire de Solow est cinglant : ‘Ils
sont comme tout le monde, quelque peu gênés par le fait que ce que
l’on pense comme étant une révolution technologique, engendrant
un changement drastique de la productivité, a été observé
partout, incluant le Japon, soit une baisse de croissance de la
productivité, et non une augmentation.
Vous
pouvez voir l’ère de l’informatique partout, sauf dans les
statistiques de la productivité’.
C’est
cette dernière phrase, véritable ‘pavé dans la marre’, que
reprendront de nombreux analystes et autres commentateurs.
Validité
du Paradoxe de Solow
Evidemment,
ce qui était vrai il y a 30 ans, ne l’est plus forcément
aujourd’hui.
De nombreux détracteurs de Solow expliquent que les études
macro-économiques ne considèrent pas toujours le délai
de latence entre l’investissement et le moment où la valeur se
crée réellement.
Ceci est un argument pertinent, mais pas le fond du problème.
Plus
récemment des économistes brillants et nobélisables comme Robert
J. Gordon
(‘The Rise and Fall of American Growth, 2016)’ ou encore Larry
Summers
(‘La stagnation séculaire’, 2016) et Paul
Krugman
ont démontré sur la base de chiffres très récents que le Paradoxe
de Solow était toujours d’actualité.
Même
Klaus Schwab, fondateur et patron du World Economic Forum
affirme dans son ouvrage de 2017 ‘The Fourth Industrial
Revolution’ : « Lors
des dernières décennies, la productivité mondiale est restée
atone, malgré la croissance exponentielle des progrès
technologiques et des investissements dans l’innovation »
(‘The Conference Board, Product Brief 2015)
Klaus
Schwab précise : « Cette
très récente incarnation du paradoxe de la productivité – la
perception de l’échec de l’innovation technologique de créer
des niveaux de productivité supérieur est l’une des plus grandes
énigmes économique qui précède la grande dépression, et pour
laquelle il n’y a pas d’explication satisfaisante »
A
l’évidence, et comme nous l’avons souvent écrit : « la
technologie seule n’a aucune chance de créer une quelconque
valeur ».
Il s’agit, ni plus, ni moins, d’un fantasme ou encore d’une
utopie technologique issue de la paresse humaine à
sur-simplifier
des problématiques complexes !
Confirmation
récente en France du Paradoxe de Solow
Un
rapport très récent, puisqu’il date d’octobre 2018, de la
Fabrique de l’Industrie et de France Stratégies
(‘L’investissement des entreprises françaises est-il efficace
?’) indique que l’investissement
immatériel en France (logiciels, BDD, etc.) est bien plus important
que dans les autres pays européens,
sachant que depuis dix ans les entreprises françaises ont un niveau
d’investissement globalement plus élevé. Depuis 1995, la France
investit dans l’immatériel en
moyenne 3 fois plus que ses principaux rivaux. Pourtant, elle n’est
pas plus productive, ni compétitive que ces collègues, bien au
contraire.
En
parallèle, comme le mentionne Philippe Rosé dans l’éditorial de
son dernier numéro de Best Practices (N°222) : « La
huitième édition du Top 250 des éditeurs de logiciels français,
réalisée par Syntec numérique et EY, révèle que le secteur se
porte très bien. La croissance du chiffre d’affaires a atteint 12
% en 2017. Avec 15 milliards d’euros, c’est un doublement par
rapport à 2010…/…
‘Les éditeurs ont su développer des modèles économiques
pérennes, qui mènent à la rentabilité, 81 % d’entre eux ont été
profitables en 2017’, souligne Jean-Christophe Pernet, associé EY
en charge de l’étude. »
D’un
côté, l’on constate une décroissance forte de la productivité,
de l’autre côté, une croissance forte de l’activité.
Il y a forcément une explication voire une corrélation.
Aussi,
nous ne pouvons apporter qu’une modeste précision au Paradoxe de
Solow : « A
l’instar des éditeurs, le ‘Producteur des technologies et
services informatiques’, crée de la valeur, alors que le
‘Consommateur’, n’en crée pas, bien au contraire. »
Voilà
le principal et véritable défi de la transformation numérique à
relever : faire
mentir le Paradoxe de Solow !
-
Le point de vue de McKinsey (cf. papier ‘Why digital strategies fail’ de janvier 2018)
Seulement 8% des
entreprises interrogées par McKinsey reconnaissent leur business
model économiquement viable si leur industrie continue à se
numériser à cette vitesse.
L’article
mentionne 5 problématiques qui d’après l’expérience de
McKinsey seraient clés :
-
Définitions floues
Peu
de responsables avec lesquels discute McKinsey auraient une idée
claire du digital.
Pour McKinsey le digital est la capacité de relier en temps réel, de manière gratuite et sans encombre les personnes, les objets et les produits physiques où qu’ils soient.
Pour McKinsey le digital est la capacité de relier en temps réel, de manière gratuite et sans encombre les personnes, les objets et les produits physiques où qu’ils soient.
Ces
équipements auraient déjà créé ces 2 dernières années 90% des
données jamais produites. Ces données permettraient d’arriver à
des niveaux d’automatisation bien supérieurs, des processus et
des décisions, donnant lieu à de tout nouveaux business models.
Manquant clairement de définition du digital les entreprises auraient les plus grandes difficultés à relier la stratégie numérique à leur business.
Manquant clairement de définition du digital les entreprises auraient les plus grandes difficultés à relier la stratégie numérique à leur business.
-
Incompréhension de l’économie du numérique
Le digital détruit les rentes établis et les dirigeants se doivent d’apprendre rapidement comment se battre, créer de la valeur pour leurs clients, en en gardant pour eux-mêmes dans un monde où les profits se réduisent
Le digital favorise le syndrome du ‘winner takes it all’ comme l’auraient montré certaines études de McKinsey où il apparait que le premier quart des entreprises d’un secteur progresserait alors que les trois autres quarts verraient leur croissance diminuer.
Le
digital favorise les premiers et les suiveurs ultra rapides, la
croissance sur 3 ans pour les premiers serait double des entreprises
plus conservatrices. Cela serait dû à l’apprentissage et aux
méthodes employées de type agile ou prototypage bien plus rapides.
-
L’oubli de l’eco-système
Les plateformes rendront les models traditionnels obsolètes. Or, ils ne viennent pas des compétiteurs traditionnels… Il n’y aurait que 3% des acteurs actuels qui adopteraient une stratégie offensive de plateforme.
-
Sur focalisation sur le suspect habituel
La plupart des entreprises se focalisent sur la menace des start-ups, alors que la véritable menace émane des grandes entreprises qui ont une part importante du marché, des clients, une marque, etc. et sont bien plus redoutables une fois leur stratégie d’innovation affirmée. Ils impactent alors 20% de la chaîne de valeur alors que les start-ups nouvellement arrivée ne pèseraient que 5%.
-
L’oubli de la dualité digitale
Une fois la menace de la disruption bien réelle, les entreprises ont tendance à devoir créer quelque chose de totalement nouveau… Or d’après McKinsey il s’agit d’évaluer en priorité le rythme et le degré de changement afin de ne pas perdre de vue son marché actuel. En fonction de ces 2 facteurs, il s’agit de suivre une stratégie adaptée :-
Initier des mouvements sans risques
-
Vivre dans les 2 mondes : anciens et modernes à la fois (si degré de chgt fort)
-
Devenir agile (si rythme rapide)
-
Prendre des positions audacieuses
-
- Notre point de vue : constats et recommandations
Dans
un article de recherche publié en 2015, édité à l’occasion du
numéro 200 de VSE (Revue de l’Association des Docteurs en Economie
et en Sciences de Gestion) et intitulé « Informatique,
numérique et système d’information : définitions,
périmètres, enjeux économiques », qui, étrangement,
caracole en tête des articles les plus lus (cf. Cairns), nous avons
résumé les
3 causes majeures
empêchant aujourd’hui les entreprises de profiter pleinement des
opportunités offertes par la ‘fausse’ « Révolution
numérique », que nous préférons appeler plus justement :
« Révolution informationnelle et des services ».
Ces
3 causes sont :
-
La méconnaissance des enjeux financiers liés au numérique et aux systèmes d’information (versus informatique) due à l’absence de définition clairement acceptée et aux limites des systèmes de gestion actuels
-
L’utopie (voire le fantasme) technologique couplée à l’homéostasie organisationnelle souvent véhiculée par l’industrie informatique laissant croire qu’il suffit d’adopter une nouvelle technologie pour en obtenir les bénéfices
-
Une gouvernance SI déficiente se traduisant par une absence d’implication de la direction générale ou un manque de courage managérial pour initier les changements qui s’imposent pour créer de la valeur.
Pour
s’assurer que les
facteurs clés de succès soient
bel et bien présents nous avons, basé sur de nombreuses recherches,
développé un modèle adressant les différentes thématiques à
aborder :
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