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vendredi 23 octobre 2020

Les IoT et les systèmes d’information

Par Bernard Laur

 Les IoT, Internet of Things, traduit en français par l’Internet des Objet, ne sont pas récents. Au début des années 2000 on a commencé à parler des objets connectés et d’Internet et j’ai créé un séminaire sur ce sujet en 2014. Le » business model » des IoT est en quelques sortes apparu dès octobre 2001 avec le succès de de l’iPod d’Apple. Mais, à l’époque pour charger une chanson il fallait la télécharger sur un PC puis de la copier sur l’iPod. Le grand changement a été la possibilité quelques années plus tard de connecter directement un objet à Internet.

 Les lois du numérique et du marché

 L’objet de référence connecté à Internet est l’iPhone apparu en 2007. Son succès est en grande partie dû à cette  connexion à Internet. On est passé d’une connexion à un PC, un concentrateur, une box (objet connecté) à celle du réseau (IoT). Le smartphone est la conjonction de la puissance apportée par la technologie, par les innovations permises par le réseau et surtout par la baisse des coûts engendrée. Le smartphone est un « PC qui téléphone ».

Il existe une loi expliquant ce qui s’est passé et qui permet de prévoir ce qui va probablement se passer, bien au dela de l’IoT :

« Tout ce qui est numérisable et automatisable sera numérisé et automatisé.

Tout ce qui est numérisé et automatisé sera sur Internet.

Tout ce qui est sur Internet sera gratuit*. »

(*Comprendre « son business model va changer)

 Au plan purement « marketing », on est passé en quelques années d’un monde du « 4P » au monde du « 4C ». Le 4P c’est : « le Produit, le Prix, la Promotion et la Place » alors que le 4C c’est : « le Client, la Communication, le Confort (le Service) et le Coût ». La finalité de tout produit ou service et donc de l‘objet connecté est d’adjoindre du service à l’offre client.  Le développement des IoT est le fruit de l’évolution technologique et en particulier de la loi de Moore (doublement du nombre de transistors et de la puissance tous les 18 mois)  et de l’omniprésence des réseaux. La conjonction de ces facteurs alliée à la consumérisation des offres, s’est traduite par une baisse significative des coûts.

Ces progrès ont permis une série d’innovations majeures et de passages du 4P au 4C comme : la réalité virtuelle, l’apparition de nouveaux services comme Uber, le bitcoin, les robots, l’Intelligence Artificielle, …

On est ainsi passé des objets connectés à l’Internet des objets. Dans un premier temps des objets étaient connectés entre eux par des réseaux de proximité comme Bluetooth ou Z-Wave qui ont permis de développer des applications « locales » type Domotique. Puis dans un deuxième temps les objets ont été connectés via des routeurs Wifi ou à des réseaux 3G ou 4G  à des Datacenters puissants afin de collecter des données. Le développement de l’IoT se calque alors sur le développement du Cloud Computing, du Big Data, du Business Analytics, de l’Intelligence Artificielle, ...   

On a ensuite assisté à la multiplication et à la mutation d’objets allant des plus simples au plus sophistiqués, par exemple des thermomètres, des montres, des caméras de vidéo, des lunettes intelligents, des robots, des voitures autonomes, des drones, …. Cela s’est passé dans un contexte fortement disruptif mais favorable et s’est traduit par l’uberisation, les réseaux sociaux, le commerce en ligne, … Les objets ont généré des masses de données comportementales (donc souvent personnelles) qu’il a fallu stocker et gérer pour en tirer un bénéfice. Heureusement on dispose maintenant de l’énergie informatique suffisante et accessible (via le cloud) comme on consomme de l’eau et du gaz. Ceci se traduit par l’apparition d’un vaste domaine applicatif et de nouvelles applications « futuristes ». Le cloud, le big data, Internet ont fait disparaitre la problématique classique des infrastructures, poussant en cela un modèle hyper centralisé,  même si simultanément on constate l’apparition de nouveaux problèmes d’architecture, résolus par le Edge et le fog computing. 

 Une accélération technologique

Ces changements se produisent dans un contexte d’évolution rapide des technologies de base sur les quelles reposent les nouveaux objets. Elles concernent :

·         Les processeurs :

-        On assiste à l’apparition de processeurs puissants et adaptés aux objets en entrée de gamme de processeurs destinés aux PC, smartphones, … comme les Ryzen d’AMD, les Cortex d’ARM, les Ascend d’Huawei, ou spécifiques : les Quark d’Intel, les Wear de Qualcomm.

-        Les fournisseurs offrent des systèmes complets prêts à être installé comme le système Xavier de NVIDIA pour l’automobile. Le cas de NVIDIA est très intéressant. Cette entreprise vient du monde des cartes graphiques et elle a su se reconvertir vers  de nouveaux marchés comme l’automobile. 

-        Des microprocesseurs spécialisés pour l’Intelligence Artificielle : les NPU (Neuromorphic Processing Unit).

-        La gestion de l’énergie des objets en cherchant à réduire leur consommation, développer la capacité des batteries et la possibilité de récupérer l’énergie (Energy harvesting). Les objets consomment par ailleurs de moins en moins d’énergie grâce à un effort de recherche fantastique qui se traduit par de nombreuses innovations.

·         Améliorer la gestion des adresses Internet des objets connectés grâce à une version allégée de IPv6 : 6LoWPAN.

·         Le développement d’une multitude de protocoles de communication comme : MQTT, XMPP, AMQP, CoAP, REST – HTTP.

·         Développer des systèmes d’exploitation adaptés :

-        Tiny OS qui est un système très compact, performant et n’ayant besoin que peu de ressources matérielles.

-        Des versions des systèmes d’exploitation classiques adaptées aux objets comme Google Androïd Things ou Windows 10 IoT.

-        Des systèmes d’exploitation temps réel : QNX, version d’Unix développée par BlackBerry (entreprise qui a manqué la mutation vers les smartphones et tente de repartir grâce aux IoT.  

·         Réalisation de prototypes d’objets grâce à des cartes-circuits miniaturisées prêtes à l’emploi comme l’Arduino et le Raspberry PI.

Ces innovations permettent d’avoir des objets de plus en plus puissants capables de supporter des applications de plus en plus sophistiquées.

 Les évolutions technologiques des capteurs

 Sous l’effet des progrès technologiques on assiste à une évolution des capteurs intégrés aux objets  capables d’effectuer des mesures qui jusqu’alors étaient inimaginables :

·         On développe pour les objets des MEMS (Microsystèmes) et des NEMS (Nanosystèmes) qui sont à la fois des capteurs et des actionneurs.

·         Les progrès de la technologie du LIDAR (Light/Laser Detection and Ranging). Proche de celle du radar, elle est universellement utilisée par l’automobile et permet de détecter avec précision les objets se trouvant devant le LIDAR même s’ils sont de petite taille.

·         Les capteurs ultrasoniques mesurant les espaces libres / vides.

·         Les capteurs de mouvement.

·         Le Life Monitor qui écoute les bruits du corps et permet de détecter certain problème de santé.

·         Les capteurs cardiaques. Grâce à la technologie PPG (PhotoPlethysmoGraphie) ils peuvent être implantés par exemple dans une montre et permet effectuer un électrocardiogramme.

·         Le capteur moléculaire qui est basé sur la spectroscopie proche de l’infrarouge.

·         Le capteur de couleurs.

·         La mesure de la pollution de l’air (Plume Labs).

·          La perception des cinq sens avec l’odorat ( Aryballe NeOse), l’ouïe (Voxygen), la vue (Netatmo), le toucher ( Syntouch Biotac) et le goût ( Alpha Mos Astree).

 Les progrès réalisés dans le domaine des capteurs tirent les objets vers le haut et permettent de développer des applications de plus en plus puissantes et originales.

 L’évolution des réseaux

 On observe aussi que de grands progrès ont été réalisés en matière de réseaux, particulièrement ceux dédiés aux IoT, lesquels dans une grande majorité de cas ne nécessitent d’échanger que des données de petite taille, avec un débit restreint et à des coûts réduits. Il existe une multitude de solutions possibles. Il y a d’abord des solutions filaires comme l’ADSL (en perte de vitesse), la fibre optique, le câble, le CPL, … Il existe aussi des solutions sans fil comme les PAN (Personal Area Network) ou les LAN (Local Area Network) avec NFC, RFID, Bluetooth, Zigbee, Thread, z-Wave, LiFi et Wifi. Il existe aussi des technologies concernant les MAN (Metropolitan Area Network) et les WAN (Wide Area Network) avec la 3GPP (2G, 3G et 4G), LPWAN (LoRa, Sigfox, Weightless-N, Wireless M-BUS), LPWAN 3GPP (LTE-M, NB-IoT), les satellites (GMR, BGAN). ET il existe un consortium de normalisation des technologies de réseaux mobiles :  le Third Generation Partnership Project.

Les solutions qui se dégagent sont SigFox et LoRa qui sont des réseaux à bas débit fonctionnant en basse fréquence. Il y a aussi la 5G qui devrait proposer des services à faible bande passante. Par ailleurs de nombreux projets sont en cours basés sur les satellites en orbite basse qui fournissent des services Internet et GPS permettent de réaliser des applications intéressantes comme suivre les containers en mer ou de localiser des objets se trouvant en zone blanche.

 Vers des applications « futuristes »

Grâce ces nouvelles solutions technologiques il a été possible de développer de applications innovantes voir futuristes reposant sur l’Internet des Objets comme par exemple :

-        Dans l’agriculture on utilise des drones pour mieux gérer les travaux agricoles : optimiser les semis et mieux gérer l’épandage des engrais (AirInov, ICropTrak).

-        Le BTP utilise les drones pour piloter les engins de chantier notamment dans des contextes difficiles (Monnoyeur/Caterpillar).

-        Les supermarchés utilisent le robot Tally (Intel) qui passe dans les travées du magasin, inspecte les rayons et détecte les ruptures.

-        Le thermostat Nest de Google recours à l’Intelligence Artificielle pour piloter le chauffage et la climatisation de la maison ou du bureau.

-        La caisse à outils connectée (Facom) permet de  retrouver facilement les outils et de détecter qu’un outil manque. Il peut être resté près de la machine réparée ou même à l’intérieur de celle-ci.

-        La réalité augmentée a été largement utilisée dans le jeu Pokemon Go de Nintendo. Elle est aussi mise en œuvre dans Snapchat.

-        La réalité virtuelle avec Oculus Rift et HTC Vive a de nombreuses applications notamment afin de faciliter les opérations d’entretien des équipements.

-        La sécurité et la surveillance notamment avec des systèmes comme le Robots de Knightscope qui permet par exemple de surveiller des parkings.

-        Les « jumeaux numériques » pour gérer et maintenir des équipements difficiles d’accès comme des éoliennes ou étendus (bâtiment) et demain les humains …..

-        Les objets mous qui permettent des déplacements de dispositif en milieu fragile avec un niveau de risque élevé.

-        L’impression métallique qui permet de fabriquer des pièces éventuellement en les réalisant in-situ.

-        L’impression 4D qui permet de fabriquer des matériaux qui changent de forme dans le temps.

-        ….

Cette liste n’est pas limitative et tous les jours sont annoncées des nouvelles applications recourant à des IoT.

Les contraintes de traitement

Les objets produisent des grands volumes de données et si on n’y prend pas garde on est rapidement submergé par un véritable « déluge ». Pour y faire face la solution est le recours au cloud et au Big Data. Il est pour cela nécessaire d’enchainer les cinq étapes suivantes :

-        L’émission des données par les nombreux IoT qui ensuite transitent par Internet.

-        L’entreposage des données dans des architectures de type Hadoop, système de fichiers distribué capable de stocker à la volée d’énorme volumes de données. 

-        Des batteries de serveurs traitent ensuite ces données grâce à l’architecture MapReduce capable de traiter en parallèle ces flots de données massifs.

-        Les résultats de ces traitements peuvent être stockés sur des serveurs de type NoSQL qui fournissent une capacité de stockage de tous types de données structurées ou non structurées dans des bases de données spécifiques.

-        La visualisation de l’évolution des résultats graphiquement et en temps réel (Dataviz).

Dans le domaine industriel, les données produites par les IoT servent à la fois à effectuer des traitements classiques du type analyses historiques, statistiques, tableaux de bord, …. et des traitements permettant de déclencher des opérations comme des alarmes. La solution est de recourir à une architecture « Lambda » : les données sont dupliquées dès la 2ème étape et les traitements se font en parallèle.

Ces masses de données sont aussi utilisées pour de l’Intelligence artificielle et du machine learning, c’est-à-dire de l’entraînement de système, élément clef de leur apprentissage. Il existe actuellement un grand nombre de systèmes, notamment dans le monde industriel, mettant en œuvre des technologies d’Intelligence Artificielle laquelle regroupe un ensemble de techniques permettant à des machines d’accomplir des tâches et de résoudre des problèmes normalement réservés aux humains et à certains animaux. Cette approche a permis de réaliser ces dernières années des progrès considérables.

On se rappellera que pendant longtemps, de 1980 à 2000, l’Intelligence Artificielle était une technologie stable recourant aux seuls systèmes experts, qui est une forme de « programmation par des experts ». Depuis l’an 2000 on a assisté à un réveil de l’Intelligence Artificielle autour du machine learning. Les systèmes s’enrichissent de leur expérience ou de celle des autres par apprentissage. C’est une nouvelle phase de l’informatique.

Les systèmes recourant à l’Intelligence Artificielle sont partout. Ainsi lorsque vous crééz un compte, ou voulez accéder à un service sur internet, il vous est demandé de prouver « que vous n’êtes pas un robot ». Pour cela on vous montre plusieurs images et on vous demande d’indiquer laquelle est une voiture ou un chameau. Sans le savoir vous êtes en train d’enrichir une base de données qui permettra d’entraîner un système de machine learning. Ce qui distingue l’Intelligence Artificielle de l’Informatique traditionnelle, c’est le passage de la programmation à l’apprentissage des systèmes. C’est un nouveau monde de l’informatique. 

L’Intelligence Artificielle pour exploiter les données issues des objets

Dans ce contexte on assiste à la greffe de l’Intelligence Artificielle sur les IoT. Les applications de ce type se multiplient rapidement. Trois exemples parmi de nombreux autres :

-        Les caméras intelligentes avec de l’Intelligence Artificielle embarquée. Elles permettent de reconnaître des individus recherchés, de détecter des intrusions ou des vols, de signaler des comportements anormaux ou dangereux, ... (Nvidia, Deep Science, Briefcam, Vision Labs, ...).

-        La biométrie 3D est une technologie très intéressante recourant à des processeurs NPU. C’est, par exemple, le FaceID de l’iPhone X. A noter l’apport majeur d’un français dans ces domaines (Yan Le Cunn, Directeur de la Recherche chez Facebook).

-        Les AVP (Assistants Vocaux Personnels) comme ceux d’Amazon Echo (Alexa), Google Home, Siri de l’iPhone.

Il est certain que le nombre d’IoT à base d’Intelligence Artificielle va rapidement se développer dans les années à venir.

 

La disparition des problématiques d’infrastructure

En informatique l’infrastructure : serveur, stockage et réseaux, posait toujours des problèmes délicats. C’est encore plus vrai dans le cas des architectures à base d’IoT. Mais avec l’apparition du Cloud et son rapide développement cette problématique a   quasiment disparu. On a ainsi vu apparaître un « IoT Cloud Ecosystem » (plateformes spécialisées dans le traitement de l’IoT). En effet le Cloud joue un rôle fondamental car il permet un déploiement rapide des plateformes proposant via Internet et tous les réseaux existants, quel qu’ils soient, un ensemble des services de connexion, de protocoles, de techniques de collecte des datas, de traitements et de restitution des résultats.

On constate ainsi un développement très rapide de l’usage du Cloud pour mettre en œuvre des IoT. En effet il n’y a pas à mettre en place de réseau spécifique et le développement des traitements est rapide. De même il n’est pas nécessaire de développer des drivers spécifiques car il existe de nombreux outils qui permettent de connecter les objets au Cloud.

Il existe une offre (à la limite) pléthorique de Cloud

De très nombreux fournisseurs et tous les leaders du Cloud proposent de solutions adaptées aux IoT. Parmi celles-ci les plus significatives sont :

-        Amazon AWS IoT et Microsoft Azure IoT. Ce sont des plateformes complètes incluant les différents outils nécessaires à la gestion d’objets connectés notamment des drivers, des traitements du Big Data et des fonctions recourant à l’Intelligence Artificielle.

-        Salesforce. Le système Thunder permet de gérer les IoT et Einstein permet de recourir aux possibilités offertes par l’Intelligence Artificielle.

-        SAP Leonardo : la plateforme HANA, l’ERP de SAP fournit des outils pour mettre en œuvre du Machine Learning, la Blockchain, le Big Data, le Business Analytics et la gestion des IoT.

-        m2ocity de Orange et Véolia est un opérateur spécialisé dans la gestion de la télé-relève des compteurs d’eau.

-        Arrayent est une plateforme US spécialisée dans les IoT grand public.

-        ThingWorx de PTC et Predix de General Electric sont des plateformes spécialisées dans la gestion des IoT industriels en complément des SCADA (Système de contrôle et d'acquisition de données).

Comme on le voit il existe un grand nombre de solutions de plateforme Cloud adaptés aux IoT. Grâce à elles les problèmes de réseaux, de serveurs, de traitements, ...peuvent être maîtrisés avec des coûts et des délais attractifs.

Mais il existe encore des problèmes d’architecture

L’idée de centraliser tous les traitements sur des plateformes ne s’adapte pas à toutes les situations. C’est par exemple le cas des IoT qui produisent des masses de données, qui vont charger les réseaux et ensuite entrainer des coûts de stockage élevés dans le Cloud. Il est dans ce cas préférable de traiter les données dans l’objet ou dans le réseau. C’est le Multi-access Edge Computing ou MEC. On va pour cela placer des ressources de traitement et de stockage au plus près des IoT et des équipements de façon à combiner analyse locale et traitement centralisé. On a le choix entre deux solutions : le « Edge » ou le « Fog » :

-        Soit le traitement a lieu dans l’objet lui-même c’est le Edge.

-        Soit le traitement se fait dans les équipements de communication du réseau, c’est le Fog.

Ces deux approches ont l’avantage de résoudre de nombreux problèmes liés à des IoT produisant des volumes trop importants de données car ils permettent de :

-        Réduire des volumes de données à centraliser.

-        Améliorer la sécurisation des opérations.

-        Permettre de résoudre les problèmes liés à la latence inhérente au réseau.

-        Optimiser l’emploi de la bande passante et diminuer les coûts.

Il est aussi possible d’utiliser des architectures de réseau de type « Mesh », c’est-à-dire de mettre en place un réseau maillé où tous les IoT le constituant sont connectés pair à pair sans hiérarchie centrale, formant ainsi une structure en forme de filet qui peut recevoir, envoyer et relayer des données.

Ainsi l’armateur CMA-CGM, qui est un des premier transporteurs de conteneurs, a mis au point un système où ceux-ci sont équipés d’IoT et  peuvent ainsi échanger des données entre eux localement avant émission vers les serveurs à partir d’un des conteneurs connecté au réseau.

Sécurité & Confidentialité

La sécurité est un problème majeur de l’informatique. Or, il faut être clair, aujourd’hui les objets souffrent d’une absence quasi totale de sécurisation. On a assisté ces derniers temps à des piratages en se servant de thermostat ou de caméra vidéo connectés. Ceci est dû à une situation insatisfaisante. Les études montrent que :

-        90% des objets collectent des données personnelles.

-        70 % des objets transfèrent ou stockent des données non cryptées.

-        80 % des objets ne sont pas protégés par des mots de passe.

Dans ces conditions les risques sont importants avec de plus les dangers de l’effet domino :

-        Cela commence par la prise de contrôle à distance d’un ensemble d’objets.

-        Cela permet le détournement des IoT pour les utiliser à des fins contestables.

-        Ils peuvent être transformés en « thingbots » pour effectuer des attaques de DdoS (Déni de Service) contre des sites. C’est le cas de logiciels pirates comme : Miraï, Brickerbot, Bashlite, Dyn, …

-        Mais ils peuvent aussi servir à exploiter les failles dans les protocoles de communication comme l’a fait l’attaque BlueBorne sur Bluetooth.

Bien entendu il existe des techniques et des outils permettant d’assurer la sécurisation des IoT et la confidentialité des données comme Sphere de Microsoft, TrustZone d’ARM, Secure Element, ... Mais pour l’instant, il faut reconnaître qu’ils en sont au début de leur mise en œuvre.

Autre possibilité intéressante : le recours à la Blockchain. Elle permet d’authentifier, d’historiser, de gérer et d’automatiser un grand nombre de transactions de façon sécurisée et non révocable en utilisant éventuellement une programmation associée, les « Smart Contracts ».

Autre évolution notable concernant la confidentialité des données : le poids croissant du « règlementaire ». On assiste en ce domaine à une multiplication des lois, des règlements, des directives, ... Le règlement le plus connu est le RGPD qui, bien entendu, s’applique aux IoT. Mais il y a aussi la Loi Informatique & Libertés mais aussi la Directive «cookie», le Privacy Shield, le PCI-DSS, le DSP/2, le e-Privacy (2021), ...

Un travail important de mise à niveau est nécessaire pour assurer la confidentialité des données et la conformité au RGPD. Pour cela il va être nécessaire de fournir un niveau d’information suffisant à l’utilisateur, de recueillir les consentements, de permettre l’accès aux données, d’assurer éventuellement leur effacement ainsi que d’assurer le « Privacy by design » et le « Privacy par défaut ». Ces différents textes vont avoir de impacts importants sur :

-        L’organisation : après le CIL (Correspondant Informatique et Libertés) il faut mettre en place le DPO (Data Protection Officer : le Délégué à la Protection des données).

-        Les méthodes de développement de façon à assurer le «Privacy by design».

-        Les applications et les progiciels qui doivent permettre d’enregistrer les consentements et assurer la gestion des droits.

-        La sécurité des données et des traitement en garantissant le «Privacy by default».

-        La gestion de la sous-traitance pour engager leur responsabilité en cas de faute et de sanction.

Comme on le voit, en matière de sécurité et de confidentialité, les IoT ne cochent que peu de cases. Tout ou presque reste à faire.

 

De vastes domaines applicatifs

Les IoT se développant très rapidement et on assiste à une multiplication des champs d’applications possibles. Cinq domaines sont actuellement particulièrement concernés :

1.    Smart City

La ville intelligente se met progressivement en place sous nos yeux. La base est assurée par les réseaux. Mais quel(s) réseau(x) doit-on déployer pour connecter la ville ? Il y a différentes possibilités : la fibre optique, les réseaux radios 3G/4G/5G ou les LPWAN. Ces derniers sont des Low Power Wide Area Network ou des réseaux étendus à basse consommation. Ils sont constitués d'un certain d’IoT et de plusieurs passerelles (base station, gateway ou access point) avec lesquelles ils communiquent par radio (Bluetooth, Wifi, ZigBee, 6LoWPAN,…).

Les lampadaires vont jouer un rôle important en devenant des : SPOC pour Single Point Of Contact de la Smart City. Ils vont servir de support à l’ensemble des dispositifs notamment différents capteurs mais ils vont aussi servir de support aux réseaux. Ils mesureront la luminosité, géreront de manière économe l’éclairage public, éclaireront les façades quand c’est nécessaire (recherche d’un numéro d’immeuble), diffuseront de la musique ou des informations, afficheront des informations, compteront les voitures et les passants qui passent, supporteront des caméras de surveillance et des boutons d’appel d’urgence, mesureront les différentes pollutions et la température, détecteront la pluie, … 

Dans certaines villes les camions de ramassage des ordures ménagères pourraient peser chaque poubelle et demain facturer leur coût aux ménages ce qui éviterait la pratique du forfait figurant dans les impôts locaux.

Mais surtout, qu’on s’en félicite ou qu’on le regrette, il y a le développement des caméras de nouvelle génération qui disposent en local d’une importante puissance de traitement et des capacités de stockage significatives et qui recourent à l’Intelligence Artificielle. Elles sont capables d’effectuer :

-        Des analyses comportementales des passants en se basant sur l’image mais aussi sur les sons.

-        Des alertes automatiques.

-        De gérer le stationnement de rue en facturant les péages grâce à la lecture des plaques d’immatriculation.

-        La détection thermique en cas d’incendie.

2.    Energie

Après le déploiement de Linky on  assiste au déploiement de Gazpar (GrDF). Cela concerne 11 millions de compteurs qui deux fois par jour envoient le relevé des compteurs de gaz.

3.    Industrie/Technique (IIoT – Industrial IoT)

C’est dans le domaine de la maintenance prédictive d’équipements variés que les applications apparaissent les plus nombreuses. A noter par exemple une offre « pré-configurée » disponible « clef en main » : « Bob in the box » est un  boitier qui ne fait que  8 centimètres sur 7, qui pèse 75 grammes et se colle sur le système à diagnostiquer. Il mesure la température et capte bruits et  vibrations qui sont envoyés via le réseau bas débit LoRa vers le Cloud. Les données reçues sont analysées grâce à l’Intelligence Artificielle et des alertes sont émises dès qu’un dysfonctionnement est diagnostiqué. Ceci concerne de nombreux équipements comme des compresseurs, des moteurs à essence ou diesel, des pompes, des groupes frigorifiques, des transformateurs et des groupes électrogènes, des alimentations électriques, des machines-outils, … Il est ainsi possible d’intervenir avant que la panne survienne. 

4.    Silver economy

Ce sont toutes les applications concernant le maintien à domicile des personnes âgées. Il est possible de mesurer la tension, d’analyser les déplacements et mouvements afin de détecter des chutes, de gérer un pilulier, … La personne porte également sur elle un bouton d’alerte qui sont envoyées à qui de droit. Aux USA déjà 300.000 personnes ont un abonnement de ce type.

5.    Voiture « autonome »

C’est un grand sujet de discussion et de phantasmes. La voiture est déjà un IoT aujourd’hui pour assurer des fonctions simples à sophistiquées mais la voiture entièrement autonome et sans pilote ne sera largement diffusée que dans ans 10 à 20 ans. En effet pour que la circulation se déroule convenablement il faut que tous les véhicules soient équipés et connectés. Cela va prendre du temps et en attendant ce moment il va être nécessaire de gérer la migration. Progressivement les automobiles vont prendre en charge de plus en plus de fonctions par des IoT comme la mise au parking du véhicule, la gestion des dépassements, le respect des distances réglementaires sur route, la régulation du trafic sur autoroute, …

Comme on le voit les applications des IoT sont très nombreuses et, dans les années à venir, elles vont se multiplier.

 

Une stratégie et une gouvernance délicate

Dans ces conditions, quelle approche mettre en œuvre dans chaque entreprise et chaque administration. D’abord il faut convaincre les Directions Générales, les responsables des différents métiers, les commerciaux, ... qu’il faut y aller. Pour cela on doit s’attacher à leur faire percevoir les enjeux liés aux IoT. De plus certaines applications posent des problèmes sociétaux et culturel. L’exemple de l’échec relatif des Google Glass est significatif. Elles marchaient parfaitement mais les personnes ne supportaient pas de pouvoir être filmées en permanence par des tiers sans le savoir. Il est donc nécessaire d’évaluer si les changements induits par les IoT sont acceptables par les futurs utilisateurs et plus généralement par la société.

Ensuite il est incontournable de passer du temps à réfléchir afin de comprendre comment les IoT peuvent impacter le business de l’entreprise aujourd’hui et dans le futur. On doit discuter ces différents points avec les managers et confronter ces idées avec les clients et prospects. Enfin il est nécessaire de déterminer la valeur qui peut être dégagée et quelle roadmap retenir pour produire ce nouvel IoT. On doit évaluer les opportunités et bâtir des business cases. Il est aussi parfois très important de décider si on va créer un IoT ou si on choisit d’utiliser des données produites par un objet déjà existant (et géré par d’autres).

Enfin il faut définir la « road map » du développement de l’IoT et les différentes étapes du projet avec une stricte gestion du changement, surtout si l’on doit générer un « hype » (au sens du Gartner). Pour réussir il est nécessaire d’arriver à un objet qui réunit les 3 éléments clefs :

-        La désirabilité de l’IoT pour le futur utilisateur.

-        La viabilité pour le business.

-        La faisabilité du process ainsi modifié.

L’IoT va balayer un certain nombre d’activités

Le développement des IoT est un progrès important et va se traduire par de nouveaux business. Mais simultanément il  y provoquera la disparition de certaines activités.

Ainsi le jour où les voitures autonomes de niveau 5, c’est-à-dire sans pilote, se généraliseront il ne sera plus nécessaire d’avoir de permis de conduire. Ce sera la fin des auto-écoles.

Mais il est aussi probable que les taxis vont disparaître car il suffira d’appeler une voiture avec son smartphone, en quelques instants elle sera là et il ne restera plus qu’à lui indiquer la destination souhaitée. Les chauffeurs ne seront plus nécessaires.

Les fabricants de parcmètres ne vendront plus leur matériels et les personnes chargées d’établir des contraventions n’auront plus d’activité.

Il est probable qu’il n’y aura plus de véhicule personnel mais  des parcs de véhicules disponibles qu’on appelle en cas de besoin. Le métier des constructeurs et des garagistes en sera fortement impacté.

Les autoroutes vont probablement devenir automatiques. Elles vont ressembler aux voies de chemin de fer mais sans rail. Au lieu des trains il y aura des flots de véhicules individuels. Les compagnies de chemin de fer verront leur activité décliner.  

Comme on le voit le développement des IoT est un projet d’innovation. L’expérience montre que c’est un métier difficile car 9 projets sur 10 échouent. C’est aussi un projet de rupture. Or l’expérience montre qu’il y a peu de gens capables d’innover. De plus il y a souvent peu d’idées innovantes en interne car la plupart des collaborateurs n’ont pas de contact avec les clients ce qui fait qu’ils ne connaissent pas leurs attentes. A cela s’ajoute le fait que la plupart ont tendance à penser « comme tout le monde » dans une résilience rassurante. Enfin la hiérarchie a parfois tendance à préserver l’activité existante et à rejeter l’innovation.

 Il existe un exemple référent du rejet de l’innovation, c’est Kodak. Des ingénieurs de l’entreprise ont inventé l’appareil photo numérique mais le management n’y a pas cru. Le métier de Kodak était de fabriquer des pellicules et des films. Résultat : aujourd’hui Kodak a (presque) disparu. 

L’IdO est un projet d’Innovation

Pour éviter cela il est nécessaire de gérer le projet de manière rigoureuse :

-        Ne pas confondre : réaction, anticipation et innovation.

-        Il faut viser l’innovation de rupture plutôt que les innovations de continuité.

-        Les idées ne valent rien à priori si les concepteurs ne sont pas représentatifs des clients et des prospects ciblés par le futur objet.

-        L’innovation par sérendipité est souvent un must.

-        Ne pas négliger la probabilité d’échec comme tout projet innovant.

-        Les pilotes de l‘innovation doivent être « congruents », disposer de réseaux et être hors hiérarchie.

Pour réussir il faut combattre les freins majeurs à l’innovation sinon il ne reste plus qu’à déposer les armes. Ces freins sont :

-        Des schémas mentaux traditionnels.

-        La culture d’entreprise.

-        Son modèle économique.

 

En guise de conclusion

Pour terminer deux phrases de deux hommes remarquables et qui s’appliquent bien aux développements à venir des IoT :

 « La plupart des gens regardent les choses telles qu’elles sont, et se demandent pourquoi changer ? Moi je regarde les choses telles qu’elles devraient être, et je me demande : pourquoi pas ? »

Discours de Martin Luther King “I have a dream”.

 « Je m’adresse aux fous, aux rebelles, aux trouble-fêtes. A ceux qui voient les choses différemment. Alors que certains voient des fous, moi je vois des génies. Parce que ceux qui sont assez fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde, sont ceux qui vont le changer. »

Steve Jobs “Think Different”

 

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