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vendredi 3 juin 2022

Smart City ou Territoire Intelligent

Par Pierre Berger

Présentation faite par Pierre Berger lors de la réunion du Club Européen de la Gouvernance des Systèmes d'information le 1 Juin 2022. Les enjeux des systèmes d'information des communes sont considérables et, le moins qu'on puisse dire, c'est que leur gouvernance reste à définir. Au-delà du concept un peu flou de la Smart City il reste à construire une démarche efficace qui satisfasse les habitants des 34.000 communes françaises. et notamment de celle de taille moyenne.


Le thème de la Smart City est dans le vent. Tout le monde en parle mais peu en font réellement. Le terme est souvent confondu avec la transformation numérique des communes. Pour certain c’est une révolution, pour d’autres c’est tout simplement la mise en œuvre de nouvelles applications 

D’une ville à l’autre les situations sont très différentes et la plupart des communes se trouvent entre ces deux extrêmes. Certaines en font un étendard et veulent aller très loin dans l’intégration. C’est l’approche type Smart City. Elles sont souvent animées par un maire autoritaire ou charismatique (ou les deux en même temps) avec une gouvernance forte et un DSI à la mesure de ces objectifs. On cherche à intégrer de nombreux traitements autour de quelques bases de données, de développer la collecte de nombreuses informations en temps réels afin de fournir aux habitants des services nouveaux très performants. Les applications concernent la circulation automobile, la gestion de l’eau et des déchets, le contrôle des services fournies à la population, ….

Pour de nombreuses autres communes l’informatique n’est qu’un moyen. Leurs responsables font valoir qu’elles font de l’informatique communale depuis des décennies et que ça marche bien. Elles font progresser leur informatique tranquillement, plutôt comme un ensemble d’applications indépendantes. C’est la démarche des Territoires Intelligents. Dans ce cas la gouvernance des systèmes d’information relève essentiellement des « cent métiers » des mairies. e rôle de la DSI se limite souvent, à installer des progiciels, à assurer la maintenance des matériels et des logiciels, à fournir aux différentes unités l’assistance nécessaire, voire à assurer la « formation du personnel à la bureautique ».

L’évolution va dans le sens de la Smart City avec une grande variété des approches mises en œuvre. Il existe de nombreuses villes pionnières comme Issy-les-Moulineaux, Nice, mais aussi Lyon, Rennes, Paris, Brest, Grenoble, Lille, Dijon, Montpellier, … A l’étranger on peut citer Barcelone, Amsterdam, Copenhague, Helsinki, Manchester, Londres, Bristol, Birmingham, Vienne, … En général ce sont des grandes villes, voir des capitales disposant de moyens importants et d’importantes équipes informatiques.

Pour y voir clair il est nécessaire d’analyser en détail les fonctions mise en œuvre par l’informatique municipale en s’appuyant sur des cas réels en prenant en compte leurs racines historiques. Il faut prendre en compte toutes les systèmes associés comme les réseaux wifi ou 5G, les IoT (Internet des Objets), les caméras, …. Certaines communes pionnières ont déjà des résultats. Il faut les analyser pour évaluer les gains, les risques et les enjeux. Il faut tenir compte de l’état actuel des développements mais aussi des projets, dans la mesure où l’on peut les connaître.

 

Lors d’une conférence du Club Européen de la Gouvernance des Système d’Information, qui s’est tenue le 1er Juin 2022, Pierre Berger, a essayé de démêlé er ce qui est vrai et ce qui relève du mythe en se basant sur l’observation des pratiques d’une commune de taille moyenne qu’il connaît bien : Maisons-Laffitte car il y habite et il a conçu un site, véritable encyclopédie de cette commune avec 5000 images et 8000 références (https://gouvmeth.com/?MaisLaff).

 

Lire ci-dessous le support de présentation de l’exposé de Pierre Berger

 

 

 







Smart City Vs. Territoire autonome

Smart city : le numérique fort et partout.
Avantages : efficacité (voire productivité), rapidité, désilotage, riche palette de services
Inconvénients :  coûts ;  risques de flicage (Big Brother)

Territoire autonome : un ensemble de petits outils
Avantages : apprentissage progressif pour les citoyens et le personnel
Inconvénients : difficultés d’évolution globale, applications disparates et redondantes

De beaux livres, une newsletter

Sur ces concepts, il y de beaux livres, notamment La ville intelligente pour les nuls. Ou, plus généralement, l’ouvrage « Transformation numérique pour tous ».
Il y a même une news letter  http://www.smartcitymag.fr/

Mais des concepts flous

Smart city, comme IA ou métavers, sont des concepts  larges, motivants, mais aux contours flous, difficiles à définir.

Une ville n’est pas  une entreprise

  • Une ville c’est cent métiers, qui n’ont que peu de relations entre eux : des listes électorales au nettoyage des trottoirs,  de la bibliothèque municipale au contrôle du stationnement…
  • Dans une entreprise, les différents types de partenaires concernés par la gouvernance sont bien distincts : salariés, actionnaires, clients, fournisseurs …  Dans une ville, les citoyens sont à la fois les clients et les actionnaires, parfois aussi des fournisseurs ou du personnel (à travers les associations, en particulier).
  • Une part de l’informatique est fortement liée à des applications régionales ou nationales (permis de construire, cadastre, éducation)
  • Une part des données est très sensible du point de vue Cnil ou RGPD, limitant fortement les possibilités de désilotage.

Maisons-Laffitte, un ghetto de riches

Maisons-Laffitte, c’est presque une « résidence fermée ». Bien isolée entre Seine et  forêt de Saint-Germain.

Mais elle est traversée par deux axes majeurs : la départementale 308 et la ligne Paris-Rouen. Ils sont  essentiels à son existence, mais aussi des nuisances :

  • la « racaille » qui vient d’ailleurs par le RER,
  • la circulation abondante, notamment des poids lourds (qui tuent de temps en temps).

C’est aussi une ville qui a une forte identité :

  • un glorieux passé, matérialisé notamment par le château, ou par les panneaux « ville impériale » ;
  • d’importantes activités hippiques (actuellement en problème pour les courses, mais bien vivantes pour le cheval de selle ;
  • de très grands espaces verts : le parc, le bord de Seine.
  •  … un prix de l’immobilier qui le réserve à ceux qui ont des revenus suffisants ou ont hérité d’un patrimoine local ; par conséquent, les travailleurs (ouvriers, assistants de vie) viennent d’ailleurs ; et c’est à contrecœur que l’on laisse se construire des logements sociaux.

Un électorat qui veut sécurité et préservation du cadre

Cela explique

  • que les processus décisionnels soient fortement concentrés dans les mains du maire ; mais sa sensibilité et son tempérament convient à la majorité d’un électorat (râleurs compris) qui le réélit depuis 30 ans.
  • que les conseils municipaux soient un mauvais cinéma  https://www.youtube.com/watch?v=KuCEz2ALWBY


Les limites du fonctionnement démocratique 

On ne peut pas dire que la démocratie n’est pas respectée. Le maire, dans ses opinions comme dans son tempérament, correspond bien aux attentes de l’électorat, qui le garde au pouvoir depuis quelque 30 ans.

Mais il y a des limites (autoritarisme)  qui se comprennent :

  • le maire a une lourde responsabilité (y compris pénale le cas échéant), il doit gérer toutes sortes de problèmes dans le cadre d’une législation complexe. Il est le principal employeur de la ville (500 salariés) ;
  • et c’est un métier précaire et peu rémunéré (42 000 euros par an) par rapport aux compétences et à l’engagement qu’il exige.
On comprend qu’il n’ait aucune envie que le conseil municipal vienne encore compliquer sa tâche.

De toutes façons, il y dispose légalement d’une forte majorité (la moitié plus le reste à la proportionnelle).

Les  élus de la majorité sont nécessairement dociles. Il leur est pratiquement impossible de votre contre le maire et même de s’abstenir, sous peine de perdre leurs délégations voire d’être exclus de la majorité municipale.

Les élus de l’opposition sont impuissants par construction. Certains essayent de faire des critiques constructives. La plupart ne cherchent qu’à énerver  le maire ou à se faire remarquer (les séances sont filmées, depuis 2017, par l’opposition).

L’informatique de la municipalité : « territoire autonome » typiquement

Selon les vœux du maire pour 2022 :

  • 1.119 interventions.
  • 500 comptes utilisateurs.
  • 121 téléphones.
  • 50 tablettes.
  • 77 ordinateurs portables.

La CCAS (affaires sociales) dispose (pensons nous) d’une informatique spécifique.

Fibre et 4G sont pratiquement généralisés, et le wifi est offert un peu partout (notamment les commerçants).  la 5G se profile.

Toute une collection de logiciels spécifiques.

Notons, en février 2020, l'acquisition d'un bouquet de logiciels, certains très spécialisés (Roadloc pour localiser les véhicules de la police municipale) d'autres très généraux (plusieurs ERP). ; mais on ne sait pas comment ces produits s'articulent. - en 2019 déjà un "logiciel de gestion intégrée"/

On ne sait pas quel est le niveau de cohérence de ces applications.

Etant donné que les moyens matériels connus ne comportent pas de serveurs, il est probable qu’une bonne partie de ces applications est sous-traitée sur le cloud. Dans certains cas, le cloud public (par exemple, à l’urbanisme, les relations avec le Cadastre national)

Noter que, si tout le personnel a un compte, un quart seulement dispose d’un outil informatique. Cela s’explique, sans doute, par le fait qu’une bonne part du personnel a des fonctions d’exécution, souvent  sur le terrain lui-même. On ne connaît pas l’ancienneté de ces machines.

La municipalité n’a pas de vraie DSI. Elle existe sur le papier et sur son site, mais ses missions sont explicitement limitées à l’assistance  :

  • Gestion du parc informatique de la Ville et assistance technique.
  • Conception et suivi de l’architecture Réseau.
  • Mission de conseil auprès des services municipaux.
  • Formation aux produits bureautiques.

On peut estimer que la DSI comporte une dizaine de personnes, et sans doute pas d’équipe de développement.

On est donc très loin d’une stratégie de « transformation numérique ».

Informer les citoyens et autres acteurs

  • Le site web de la ville est bien fourni et actif. On peut envoyer des commentaires (mais qui le fait?)
  • Il vient d’être complété par une application en ligne  sur téléphone « Maisons-Laffitte et moi », avec le même type d’informations, et une petite possibilité de s’y exprimer (surtout pour signaler des incidents).

L’attractivité de la ville

  • Les entreprises par l’attractivité économique (difficile pour différentes raisons, notamment le prix de l’immobilier et une desserte routière médiocre)
  • Les touristes (une ressource non négligeable)
  • Les locataires ou acquéreurs de biens

Voir au-delà de la mairie

Le « système d’information de la ville », ce n’est pas seulement l’informatique de la municipalité.  Mais les réseaux sociaux…  et bien sûr toute la communication informelle, le bouche-à-oreille, les échanges dans les lieux conviviaux (à Maisons, en premier chef, l’avenue de Longueil).

C’est aussi  les réseaux sociaux et les commerçants.

Les réseaux sociaux sont bien présents. Notamment l’un d’eux a 10 000 membres (c’est énorme pour une population de 25 000 habitants). Mais dans l’ensemble, cela reste au ras du sol : petits problèmes pratiques ou "ralleries" nostalgiques du type : « C’était mieux avant ».

Les commerçants :

  • sont en permanence présents sur le terrain et en contact avec la population ;
  • les plus avancés (l’établissement local de Casino en particulier) disposent d’informations détaillées en temps réel sur les comportements de consommation.

A notre connaissance, il n’y a rien d’organisé pour faire remonter cette information vers la mairie, sinon de temps des signalements, qui ne sont pas toujours pris rapidement en compte.

Les projets pour 2022

La mise en place d’un cadre comptable M 57, De quoi s'agit-il ? Le  texte officiel est pour le moins rébarbatif. Mais la direction générale des Finances publiques en propose  une brève présentation didactique. En bref, la M57 donne plus de souplesse dans la manipulation des comptes et dans la prise en compte de projets pluriannuels.
Noter que cette norma s'applique aussi aux "associations syndicales autorisées", comme l'Association syndicale du parc, qui nous a confirmé s'y adapter elle aussi en 2022.

  • La dématérialisation du budget. Ce point ne semble concerner que les relations entre la commune et les finances publiques.  Pour plus de détails.
  • La numérisation des délibérations du conseil municipal ; cette annonce semble plutôt en retrait par rapport à certaines notes du bulletin municipal.
  • La création d'une photothèque. De quoi s'agit-il exactement ?

De beaux espoirs pour 2024

Mais cela va sans doute changer car,  depuis les dernières élections, deux élus ont une mission informatique :

  • le onzième maire adjoint, délégué à l’optimisation financière, aux nouvelles technologies, à la communication et aux manifestations publiques,
  • un délégué au Développement numérique.

Ils sont jeunes (la quarantaine) et on nous promet de belles choses pour 2024. Cette date semble bien choisie : après quelques inévitables retards et plantages, la nouvelle informatique devrait rutiler pour les élections municipales de 2026.

Peut-on espérer une ville « intelligemment démocratique »

Entre le pénible spectacle des conseils municipaux, la superficialité des réseaux sociaux et la richesse en information du privé. peut-on espérer ?

Peut-être un peu. Une association, à ses frais, a pu organiser un débat sur un important projet du Maire (parking du marché). E n tiendra-t-il compte ?

 Je n’y crois pas trop mais…

Ce n’est pas tant la technique que les humains qu’il faudrait changer ! Des smart citizens plus encore que des smart cities.  Est-ce possible ?  Education ?  Motivation ?

Il faudrait une volonté au niveau des Etats- pour créer un nouveau type de dialogue- pour y conduire les grands acteurs (GAFA, etc).