Par Pierre Berger
Présentation faite par Pierre Berger lors de la réunion du Club Européen de la Gouvernance des Systèmes d'information le 1 Juin 2022. Les enjeux des systèmes d'information des communes sont considérables et, le moins qu'on puisse dire, c'est que leur gouvernance reste à définir. Au-delà du concept un peu flou de la Smart City il reste à construire une démarche efficace qui satisfasse les habitants des 34.000 communes françaises. et notamment de celle de taille moyenne.
D’une ville à
l’autre les situations sont très différentes et la plupart des communes se
trouvent entre ces deux extrêmes. Certaines en font un étendard et veulent
aller très loin dans l’intégration. C’est l’approche type Smart City. Elles sont souvent animées par un maire
autoritaire ou charismatique (ou les deux en même temps) avec une gouvernance
forte et un DSI à la mesure de ces objectifs. On cherche à intégrer de nombreux
traitements autour de quelques bases de données, de développer la collecte de
nombreuses informations en temps réels afin de fournir aux habitants des
services nouveaux très performants. Les applications concernent la circulation
automobile, la gestion de l’eau et des déchets, le contrôle des services fournies
à la population, ….
Pour de
nombreuses autres communes l’informatique n’est qu’un moyen. Leurs responsables
font valoir qu’elles font de l’informatique communale depuis des décennies et
que ça marche bien. Elles font progresser leur informatique tranquillement,
plutôt comme un ensemble d’applications indépendantes. C’est la démarche des
Territoires Intelligents. Dans ce cas la gouvernance des
systèmes d’information relève essentiellement des « cent métiers »
des mairies. e rôle de la DSI se limite souvent, à installer des progiciels, à
assurer la maintenance des matériels et des logiciels, à fournir aux
différentes unités l’assistance nécessaire, voire à assurer la « formation
du personnel à la bureautique ».
L’évolution va
dans le sens de la Smart City avec une grande variété des approches mises en
œuvre. Il existe de nombreuses villes pionnières comme Issy-les-Moulineaux,
Nice, mais aussi Lyon, Rennes, Paris, Brest, Grenoble, Lille, Dijon,
Montpellier, … A l’étranger on peut citer Barcelone, Amsterdam, Copenhague,
Helsinki, Manchester, Londres, Bristol, Birmingham, Vienne, … En général ce
sont des grandes villes, voir des capitales disposant de moyens importants et
d’importantes équipes informatiques.
Pour y voir
clair il est nécessaire d’analyser en détail les fonctions mise en œuvre par
l’informatique municipale en s’appuyant sur des cas réels en prenant en compte
leurs racines historiques. Il faut prendre en compte toutes les systèmes
associés comme les réseaux wifi ou 5G, les IoT (Internet des Objets), les
caméras, …. Certaines communes pionnières ont déjà des résultats. Il faut les
analyser pour évaluer les gains, les risques et les enjeux. Il faut tenir
compte de l’état actuel des développements mais aussi des projets, dans la mesure
où l’on peut les connaître.
Smart City Vs. Territoire autonome
Smart
city : le numérique fort et partout.
Avantages : efficacité (voire productivité), rapidité, désilotage, riche palette
de services
Inconvénients : coûts ; risques de flicage (Big Brother)
Territoire
autonome : un ensemble de petits outils
Avantages : apprentissage progressif pour les citoyens et le personnel
Inconvénients : difficultés d’évolution globale, applications disparates
et redondantes
De beaux
livres, une newsletter
Sur ces
concepts, il y de beaux livres, notamment La ville intelligente pour les nuls.
Ou, plus généralement, l’ouvrage « Transformation numérique pour
tous ».
Il y a même une news letter http://www.smartcitymag.fr/
Mais des
concepts flous
Smart city, comme IA ou métavers, sont des concepts larges, motivants, mais aux contours flous,
difficiles à définir.
Une ville n’est pas une entreprise
- Une ville c’est cent métiers, qui n’ont que peu de relations entre
eux : des listes électorales au nettoyage des trottoirs, de la bibliothèque municipale au contrôle du
stationnement…
- Dans une entreprise, les différents types de partenaires concernés par la
gouvernance sont bien distincts : salariés, actionnaires, clients,
fournisseurs … Dans une ville, les
citoyens sont à la fois les clients et les actionnaires, parfois aussi des
fournisseurs ou du personnel (à travers les associations, en particulier).
- Une part de l’informatique est fortement liée à des applications régionales
ou nationales (permis de construire, cadastre, éducation)
- Une part des données est très sensible du point de vue Cnil ou RGPD, limitant
fortement les possibilités de désilotage.
Maisons-Laffitte,
un ghetto de riches
Maisons-Laffitte,
c’est presque une « résidence fermée ». Bien isolée entre Seine
et forêt de Saint-Germain.
Mais elle est traversée par deux axes majeurs : la départementale 308 et
la ligne Paris-Rouen. Ils sont
essentiels à son existence, mais aussi des nuisances :
- la « racaille » qui vient d’ailleurs par le RER,
- la circulation abondante, notamment des poids lourds (qui tuent de temps en
temps).
C’est aussi
une ville qui a une forte identité :
- un glorieux passé, matérialisé notamment par le château, ou par les panneaux
« ville impériale » ;
- d’importantes activités hippiques (actuellement en problème pour les courses,
mais bien vivantes pour le cheval de selle ;
- de très grands espaces verts : le parc, le bord de Seine.
- … un prix de l’immobilier qui le réserve à ceux qui ont des revenus
suffisants ou ont hérité d’un patrimoine local ; par conséquent, les
travailleurs (ouvriers, assistants de vie) viennent d’ailleurs ; et c’est
à contrecœur que l’on laisse se construire des logements sociaux.
Un
électorat qui veut sécurité et préservation du cadre
Cela explique
- que les processus décisionnels soient fortement concentrés dans les mains du
maire ; mais sa sensibilité et son tempérament convient à la majorité d’un
électorat (râleurs compris) qui le réélit depuis 30 ans.
- que les conseils municipaux soient un mauvais cinéma https://www.youtube.com/watch?v=KuCEz2ALWBY
Les limites du fonctionnement démocratique
On ne peut
pas dire que la démocratie n’est pas respectée. Le maire, dans ses opinions
comme dans son tempérament, correspond bien aux attentes de l’électorat, qui le
garde au pouvoir depuis quelque 30 ans.
Mais il y a des limites (autoritarisme)
qui se comprennent :
- le maire a
une lourde responsabilité (y compris pénale le cas échéant), il doit gérer
toutes sortes de problèmes dans le cadre d’une législation complexe. Il est le
principal employeur de la ville (500 salariés) ;
- et c’est un métier précaire et peu rémunéré (42 000 euros par an) par rapport
aux compétences et à l’engagement qu’il exige.
On comprend qu’il n’ait aucune envie que le conseil municipal vienne encore
compliquer sa tâche.
De toutes façons, il y dispose légalement d’une forte majorité (la moitié plus
le reste à la proportionnelle).
Les élus de la majorité sont
nécessairement dociles. Il leur est pratiquement impossible de votre contre le
maire et même de s’abstenir, sous peine de perdre leurs délégations voire
d’être exclus de la majorité municipale.
Les élus de l’opposition sont impuissants par construction. Certains essayent
de faire des critiques constructives. La plupart ne cherchent qu’à énerver le maire ou à se faire remarquer (les séances
sont filmées, depuis 2017, par l’opposition).
L’informatique
de la municipalité : « territoire autonome » typiquement
Selon les vœux du maire pour 2022 :
- 1.119
interventions.
- 500 comptes utilisateurs.
- 121 téléphones.
- 50 tablettes.
- 77 ordinateurs portables.
La CCAS (affaires sociales) dispose
(pensons nous) d’une informatique spécifique.
Fibre et 4G sont pratiquement généralisés, et
le wifi est offert un peu partout (notamment les commerçants). la 5G se profile.
Toute une
collection de logiciels spécifiques.
Notons, en
février 2020, l'acquisition d'un bouquet de logiciels, certains très
spécialisés (Roadloc pour localiser les véhicules de la police municipale)
d'autres très généraux (plusieurs ERP). ; mais on ne sait pas comment ces
produits s'articulent. - en 2019 déjà un "logiciel de gestion
intégrée"/
On ne sait
pas quel est le niveau de cohérence de ces applications.
Etant donné
que les moyens matériels connus ne comportent pas de serveurs, il est probable qu’une
bonne partie de ces applications est sous-traitée sur le cloud. Dans certains
cas, le cloud public (par exemple, à l’urbanisme, les relations avec le
Cadastre national)
Noter que, si
tout le personnel a un compte, un quart seulement dispose d’un outil
informatique. Cela s’explique, sans doute, par le fait qu’une bonne part du
personnel a des fonctions d’exécution, souvent
sur le terrain lui-même. On ne
connaît pas l’ancienneté de ces machines.
La
municipalité n’a pas de vraie DSI. Elle existe sur le papier et sur son site,
mais ses missions sont explicitement limitées à l’assistance :
- Gestion du
parc informatique de la Ville et assistance technique.
- Conception et suivi de l’architecture Réseau.
- Mission de conseil auprès des services municipaux.
- Formation aux produits bureautiques.
On peut
estimer que la DSI comporte une dizaine de personnes, et sans doute pas
d’équipe de développement.
On est donc
très loin d’une stratégie de « transformation numérique ».
Informer
les citoyens et autres acteurs
- Le site web de la
ville est bien fourni et actif. On peut envoyer des commentaires (mais qui le
fait?)
- Il vient d’être complété par une application en ligne sur téléphone
« Maisons-Laffitte et moi », avec le même type d’informations, et une
petite possibilité de s’y exprimer (surtout pour signaler des incidents).
L’attractivité
de la ville
- Les entreprises
par l’attractivité économique (difficile pour différentes raisons, notamment le
prix de l’immobilier et une desserte routière médiocre)
- Les touristes (une ressource non négligeable)
- Les locataires ou acquéreurs de biens
Voir
au-delà de la mairie
Le
« système d’information de la ville », ce n’est pas seulement
l’informatique de la municipalité. Mais
les réseaux sociaux… et bien sûr toute
la communication informelle, le bouche-à-oreille, les échanges dans les lieux
conviviaux (à Maisons, en premier chef, l’avenue de Longueil).
C’est
aussi les réseaux sociaux et les commerçants.
Les réseaux sociaux sont bien présents. Notamment l’un d’eux a 10 000 membres
(c’est énorme pour une population de 25 000 habitants). Mais dans l’ensemble,
cela reste au ras du sol : petits problèmes pratiques ou "ralleries" nostalgiques du type : « C’était mieux avant ».
Les commerçants :
- sont en permanence présents sur le terrain et en contact avec la
population ;
- les plus avancés (l’établissement local de Casino en particulier) disposent
d’informations détaillées en temps réel sur les comportements de consommation.
A notre
connaissance, il n’y a rien d’organisé pour faire remonter cette information
vers la mairie, sinon de temps des signalements, qui ne sont pas toujours pris
rapidement en compte.
Les
projets pour 2022
La mise en
place d’un cadre comptable M 57, De quoi s'agit-il ? Le texte officiel est pour le moins rébarbatif.
Mais la direction générale des Finances publiques en propose une brève présentation didactique. En bref,
la M57 donne plus de souplesse dans la manipulation des comptes et dans la
prise en compte de projets pluriannuels.
Noter que cette norma s'applique aussi aux "associations syndicales
autorisées", comme l'Association syndicale du parc, qui nous a confirmé
s'y adapter elle aussi en 2022.
- La dématérialisation du budget. Ce point ne semble concerner que les
relations entre la commune et les finances publiques. Pour plus de détails.
- La numérisation des délibérations du conseil municipal ; cette annonce semble
plutôt en retrait par rapport à certaines notes du bulletin municipal.
- La création d'une photothèque. De quoi s'agit-il exactement ?
De beaux
espoirs pour 2024
Mais cela va
sans doute changer car, depuis les
dernières élections, deux élus ont une mission informatique :
- le onzième maire adjoint, délégué à
l’optimisation financière, aux nouvelles technologies, à la communication et
aux manifestations publiques,
- un délégué au Développement numérique.
Ils sont
jeunes (la quarantaine) et on nous promet de belles choses pour 2024. Cette
date semble bien choisie : après quelques inévitables retards et
plantages, la nouvelle informatique devrait rutiler pour les élections
municipales de 2026.
Peut-on
espérer une ville « intelligemment démocratique »
Entre le
pénible spectacle des conseils municipaux, la superficialité des réseaux
sociaux et la richesse en information du privé. peut-on espérer ?
Peut-être un
peu. Une association, à ses frais, a pu organiser un débat sur un important
projet du Maire (parking du marché). E n tiendra-t-il compte ?
Je n’y
crois pas trop mais…
Ce n’est pas tant la technique que les humains qu’il faudrait changer !
Des smart citizens plus encore que
des smart cities. Est-ce
possible ? Education ? Motivation ?
Il faudrait
une volonté au niveau des Etats- pour créer un nouveau type de dialogue- pour y
conduire les grands acteurs (GAFA, etc).