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mardi 4 décembre 2012

Les entreprises françaises face aux enjeux du numérique


Stratégie, Gouvernance, Financement et Nouveaux Business Modèles de la start-up, à la PME, à la multinationale…

Compte-rendu de la réunion du Club Français de la Gouvernance des Systèmes d'Information le 28 novembre 2012 à l'école de Management Léonard de Vinci à la Défense 

Le développement rapide de l’économie numérique est une opportunité exceptionnelle pour les entreprises. C’est un moyen de développer leur activité économique et d’accroître leur rentabilité. Certaines sont capables de saisir rapidement ces opportunités et de gagner en compétitivité, pendant ce temps, d’autres ont plus de mal à le faire.
De nouveaux « business model » porteurs de forte valeur ajoutée émergent. L’analyse montre que les entreprises ayant revu leur fonctionnement et leurs processus en intégrant la dimension système d’information sont deux à trois plus performantes que les autres.
§ Quelles sont ces nouvelles opportunités et ces nouveaux business modèles ?
§ Comment la sphère publique peut et doit être repensée avec les nouveaux territoires et living labs ?
§ Quels sont les nouveaux leviers de performance et d’innovation ?
§ Comment inciter les entreprises traditionnelles à saisir rapidement ces opportunités ?
§ Quels sont les nouveaux modes d’organisation et de gouvernance des organisations ?
§ Comment financer ces nouvelles entreprises et projets ?
§ Quels sont les freins que rencontrent les entrepreneurs ?

Interventions 

Débat animé par Claude Salzman, président du Club Européen de la Gouvernance des Systèmes d'information

Dante Planterose, associé de Kawet

Kawet est née de la constatation de la difficulté rencontrée par les entreprises pour développer des applications fonctionnant sur les smartphones pour permettre au personnel de l’entreprise de saisir des données sur le terrain. Ce peuvent être des commerciaux, des techniciens de maintenance, des releveurs,… Avec l’outil conçu par Kawet il est possible de définir les écrans sans peine. Les données saisies sont validées sur le smartphone ou sur un serveur fonctionnant en mode Saas sont ensuite stockées et rendues disponibles pour tout traitement. A l’origine ce système fonctionnait sous iPhone mais aujourd’hui il est opérationnel sur tous les smartphones notamment ceux fonctionnant sous Androïd.
Le premier client de Kawet a été Procter & Gamble puis la SNCF et peut être demain la Poste. L’entreprise commence aujourd’hui son internationalisation. Il y a deux ans ils étaient 2 et sont aujourd’hui 12.  


Fabien Thierry directeur de l’incubateur PEEGO, professeur associé à l’Ecole de Management Léonard de Vinci

Dans le cadre du Master 2 de création d’entreprise les étudiants créent leur entreprise et ils sont aidées par l’incubateur de l’Université qui s’appelle Peego. Ainsi il s’est créé cette année 6 entreprises dont 3 dans le secteur de l’habillement et 3 dans celui du service.
Une des entreprises plus intéressantes s’appelle « Monsieur Moustache ». C’est du commerce de chaussure pour homme crée par trois étudiants : Guillaume Alcan, Antoine Vigneron et Thibault Repelin. L’un a fait des études financières, un autre vient du marketing et le 3ème est ingénieur de production.
L’entreprise a été créée en avril 2012. Au bout de six mois c’est un succès. Une partie de cette réussite est due à la boite en bois qui contient la paire de chaussures achetée. L’entreprise vend sur son site propre de commerce électronique mais aussi dans des sites de ventes privées. De plus elle recours à un petit réseau de 17 boutiques et 10 nouvelles boutiques vont arriver ce mois-ci. Elle vend entre 50 et 100 paires par jour.
Le financement a été assuré par les trois entrepreneurs et leurs copains. Ils jouent de plus le rôle d’ambassadeur de la marque auprès de leurs amis et leurs relations. Dans ce dispositif le « love money » joue un rôle important.
L’incubateur Peego a pour rôle d’accompagner les étudiants et pour leur faciliter certaines démarches qu’ils ignorent


David Fayon, responsable de la Prospective et de la Veille à la Direction du Système d’Information de la Poste Courrier

L’idée maîtresse est que le courrier traditionnel est en déclin et qu’il a besoin de se réinventer avec de nouveaux usages liés au numérique. C’est une question de survie pour La Poste qui doit par ailleurs concilier rentabilité économique et missions de service public. Pour cela la DSI du Courrier innove avec un écosystème d’acteurs (autres entreprises, écoles, universités, start-up) et en décloisonnant les directions. Par ailleurs, nous avons lancé le campus numérique dont l’idée est d’avoir sur un même plateau projet des concepteurs/développeurs mais aussi des marketeurs (par rapport au business plan des nouveaux produits/services) et des designers notamment. Cette innovation est vitale pour disposer de nouveaux relais de croissance. Des projets comme Factéo vont permettre d’équiper tous les facteurs courrier de smartphone avec des usages mixtes (professionnel/privée) d’ici 2015. D’autant plus que La Poste a deux valeurs, la confiance (avec le facteur qui est un agent assermenté proche des citoyens) et la proximité (maîtrise du dernier kilomètre, réseau des bureaux de poste). On pourra imaginer des services autour liés à la géolocalisation, l’horodatage comme les services à la personne. D’autres projets comme la boîte aux lettres connectée avec une intelligence embarquée sont dans les cartons sans compter le coffre-fort numérique (Digiposte), le courrier dit hybride (La Lettre en Ligne, MaCartaMoi). Nous assistons à l’apparition d’une kyrielle de nouveaux services, certains générant peu de chiffre d’affaires mais répondant à des marchés de niche. Et la longue traîne va se vérifier dans le cas des services de La Poste. De plus en plus en mode projet, on travaille aussi sur un réseau social interne de partage avec community management associé et le développement de bêta-testeurs et de contributeurs externes pour tirer profit de l’intelligence de la multitude qui se situe aussi et surtout en dehors de l’entreprise, on procède par ailleurs à des réponses à appels d’offre conjointement avec d’autres sociétés ce qui relève d’un changement structurel notable. Voir les sites www.laposte.fr et www.davidfayon.fr


Bernard Quino, enseignant chercheur en Système d’information, Vice président de l’Université de Nanterre chargé de la formation continue & de l’insertion professionnelle.

Dans le cadre d’un projet de recherche sur l’utilisation de monnaies virtuelles dans les réseaux sociaux, nous avons étudié les nouveaux business modèles mis en œuvre sur le Web. Un entrepreneur sait intuitivement ce qu’est un business modèle mais on peine à définir globalement comment cela doit être agencé et mis en œuvre.
Les différentes recherches sur ce concept ont permis d’identifier 3 grandes parties d’un business model : 1) quelle valeur créer et pour qui ? 2) Comment fabriquer cette valeur ? 3) Comment capturer la valeur crée soit comment générer du revenu ?
Il ne s’agit pas d’un processus mais bien des 3 composants d’un BM.
Quels bouleversements ont été apportés par les nouvelles technologies du Web ? Tout d’abord les clients potentiels sont multiples, il faut réfléchir par groupe d’acteurs qui  interagissent et non plus par cible client isolée. Deuxièmement, il semble très difficile de créer de la valeur seul, il faut nouer des alliances avec des partenaires externes et créer pour aux aussi de la valeur. De ce fait la fabrication de la valeur impose de réfléchir à la « gouvernance » de ce réseau de partenaires et de groupes d’acteurs clients. Enfin les modes de revenus sont très variés et doivent être adaptés et évolutifs dans le temps. Plusieurs exemples, tirés du projet de recherche, permettront d’illustrer ces propos.


Christophe Legrenzi, PDG d’Acadys et Responsable du Club Français de la Gouvernance Informatique

Les nouveaux modèles d’organisation

1.     Les enjeux de l’organisation du travail
L’organisation du travail conditionne inéluctablement la façon de travailler des collaborateurs et de nos entreprises. Elle influence à la fois la productivité et l’innovation. C’est donc une composante essentielle de la compétitivité. Pourtant, peu d’entreprises remettent en question leur fonctionnement et leur modèle d’organisation. Celui-ci trouve son origine il y a déjà bien longtemps dans un contexte bien particulier qui ne correspond peut être plus aux enjeux actuels de notre société.
2.     Contexte et caractéristiques du modèle actuel hiérarchique dit « taylorien »
Les organisations d’aujourd’hui reposent sur un concept simple mais puissant qui a été conceptualisé par Adam Smith, père de l’économie classique, dans la « Richesse des Nations » : la spécialisation. En prenant le fameux exemple de la fabrication des épingles, il démontrera que l’on produira bien plus d’unités si chacune des opérations est confiée à une personne bien précise plutôt que chaque ouvrier réalise toutes les tâches. Dans ce cas, une hyper structure est nécessaire pour coordonner le fonctionnement général et assurer la fluidité des différentes étapes de production. Cette hyper structure est représentée par l’organigramme. La spécialisation a tellement bien marché que les entreprises l’ayant choisi ont prospéré et sont passées de quelques employés à plusieurs centaines voire millions de collaborateurs… C’est le modèle de fonctionnement central du monde industriel. Il a été popularisé par l’organisation scientifique du travail (cf. OST) dont le chantre était Frederick Winslow Taylor et par des entreprises telles que Ford.
3.     Le modèle précédent de l’ère primaire
Il est à noter qu’avant l’ère industrielle, à l’ère primaire (cf. agriculture et extraction minière) chaque individu réalisait toutes les tâches. Ainsi, l’on peut dire que l’on a toujours travaillé en processus. Simplement, tous les ouvriers réalisaient toutes les tâches. Le monde industriel a donc « cassé » cette logique en amenant un modèle qui a permis des accroissements importants de productivité.
4.     Remise en cause du modèle hiérarchique
Aujourd’hui, les conditions ont changé. Les enjeux ne sont plus les mêmes. Le monde industriel était très structuré, les productions relativement simples, les salariés peu formés. L’organisation hiérarchique ayant tellement bien réussi qu’elle a généré des mastodontes peu flexibles, peu réactifs et démotivants. D’autant plus que les collaborateurs sont de mieux en mieux formés, que les outils informatiques et les moyens de communication ont changé la façon de travailler et les relations entre les acteurs.
Ainsi, nous pouvons nous poser des questions légitimes quant à l’adéquation du modèle d’organisation hiérarchique à la société et aux outils d’aujourd’hui.
5.     De la généralisation à la spécialisation des tâches informationnelles
Etrangement, l’ordinateur a eu tendance à reconcentrer toutes les tâches de natures bureautiques, administratives sur le collaborateur. La conséquence est qu’une partie importante du temps de travail des collaborateurs à forte valeur ajoutée (cf. étude de Lefebvre et Lefebvre au Canada) est passé à des tâches à faible valeur ajoutée. Ceci a eu pour conséquence la disparition des secrétaires, aides administratifs, assistants. Rappelons que dans le monde industriel, on donnait systématiquement à un manager ou une personne d’expérience un assistant ou une secrétaire afin qu’il puisse mieux se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée. On estimait qu’il passait ainsi près de 70% sur ce type de tâches alors qu’aujourd’hui c’est l’inverse. Nous sommes donc face à une ineptie économique.
A l’instar du monde industriel, on doit repenser les tâches des travailleurs de l’information. Pourquoi ne pas penser spécialisation au travers de « Centres de services spécialisés » où des secrétaires hyper formées seraient sollicitées.
6.     La disparition du modèle hiérarchique
Compte tenu du niveau moyen des collaborateurs et des outils disponibles, il semble bien que l’organigramme traditionnel aux multiples couches aussi déresponsabilisantes et démotivantes qu’inefficaces ne soit plus adapté. Le cas de l’entreprise Morning Star est emblématique. Il a été décrit récemment par un grand spécialiste : Gary Hamel dans un article devenu célèbre paru récemment dans la Harvard Business Review. L’article est intitulé « Et si on supprimait tous les managers ». Grâce aux nouveaux moyens informatiques et à la responsabilisation des collaborateurs, il n’y  a plus aucun responsable. Tout se passe par contrat fixé entre personnes.
Parallèlement à cette nouvelle responsabilisation des collaborateurs, des nouveaux modèles émergent comme ‘l’open book management’.
Il s’agit donc de repenser le modèle général de gouvernance de nos entreprises en intégrant la dimension systèmes d’information, où les personnes peuvent communiquer selon différents médias.
7.     Synthèse
Nos organisations doivent remettre leur modèle d’organisation en question au moins sur 2 plans essentiels :
Ø  La spécialisation des tâches informationnelles à l’instar de ce qu’a fait le monde industriel et qui lui a permis de faire d’importants gains de productivité
Ø  La suppression des hiérarchies en les remplaçant par des contrats individuels ou collectifs
Le manager n’est plus au sommet de la pyramide mais au centre d’un réseau, d’une toile. Le manager du futur est le « Manager araignée » ou le « Spider Manager ».

André Loechel, Président du Réseau européen des Villes Numérique et de la Fondation des Territoires de Demain.

Les Living Labs et les espaces de l'innovation

Des mutations aussi fortes que celles que nous connaissons depuis la fin de la dernière décennie sont certes porteuses de toutes les difficultés que l’on connaît, mais elles sont également riches de nouveaux modèles émergents qui se trouvent vecteurs de forte valeur ajoutée et nous permettent en conséquence de repenser autant la sphère publique que privée.
Les territoires de demain qui constituent le champ d’action de la Fondation homonyme - qu’il s’agisse de leur acception strictement territoriale ou plus généralement thématique - se présentent ainsi comme porteurs de ces nouveaux modèles, modèles technologiques et économiques certes, mais tout autant culturels et sociaux.
Tous à l’évidence - on essaiera de le (dé)montrer ici au travers de nos exemples - s’avèrent porteurs de nouvelles opportunités, de nouveaux modes d’organisation et de gouvernance des organisations et beaucoup constituent d’ores et déjà de nouveaux leviers de performance et d’innovation.
Les projets se financent ainsi autrement au travers une économie de liens réunissant des polarités de compétences et même les difficultés rencontrées changent de nature au travers de l’émergence d’une société basée sur le savoir et dont il est intéressant de constater la diversité et l’amplitude sémantique utilisée par tous ceux qui s’efforcent de décrire notre nouveau monde - qu’il s’agisse d’un  «capitalisme cognitif», d’une «nouvelle Renaissance» ou encore de la découverte d’écosystèmes constitués de flux de savoirs et de hubs de la connaissance.
Dans l’observation et l’accompagnement des acteurs de l’innovation qu’assurent nos équipes, un phénomène a progressivement émergé - simultanément au sein de plusieurs horizons culturels - après le tournant du siècle et s’est développé avec force avec les années de crise, mettant en lumière s’il en était encore besoin les fondements au moins autant structurels que conjoncturels de celles-ci.
Ce phénomène est celui de la naissance et du développement d’espaces divers dédiés à une innovation ouverte et de rupture et qu’incarnent jusqu’à en constituer le paradigme ce qu’il est convenu d’appeler les laboratoires vivants où se rencontrent essentiellement trois catégories d’acteurs:
·       l’acteur économique - qu’il s’agisse d’un responsable de petite entreprise, d’un créateur de start-up ou bien encore d’un simple porteur de projet -,
·       le chercheur bien sûr,
·       mais aussi et surtout l’usager des nouveaux produits et services en question - concrètement la société civile, l’habitant du quartier, voire l’élu qui le représente -.

Gilbert Réveillon, CEO de Mobile LOOV

La comptabilité ne permet pas de mesurer la création de valeur. C’est un instrument conçu pour répondre à des impératifs fiscaux. Or les systèmes d’information permettent de créer de la valeur mais on ne peut pas la mesurer à l’aide de la comptabilité de l’entreprise. Combien vaut l’écosystème de Facebook constitué de 470.000 partenaires ? En comptabilité elle est comptée pour zéro. Or c’est le principal actif de Facebook.
De même les financements des entreprises ne sont pas adaptés à des entreprises constituées pour l’essentiel par des systèmes d’information. Elles n’ont pas ou peu d’actifs mais elles valent très vite des sommes importantes car elles sont capables de créer des montants considérables de valeur. C’est l’économie de l’attention. Le savoir-faire de ces entreprises est de monétiser l’attention. C’est leur seul moyen de trouver des financements et les ressources humaines nécessaires à leur développement.
Or, en France, il existe un véritable problème de mise à disposition du capital nécessaire à ces entreprises. C’est un vrai problème de gouvernance. Une comparaison entre la France et la Grande-Bretagne montre qu’il est nettement plus facile de trouver Outre-Manche les fonds nécessaires. Statistiquement une start-up a 5 fois plus de chance de survivre en Angleterre que chez nous. On notera incidemment que ces entreprises créer 4 fois plus d’emploi en Grande-Bretagne qu’en France.
Pour améliorer cette situation aux USA l'administration Obama a en avril dernier lancé le JOBS Act pour "Jumpstart Our Business Startups". C’est une loi permettant d’alléger les conditions d'entrée en Bourse pour des start-up notamment pour aller au-delà de la révolution constitué par les plateformes de Crowdfunding (le financement collaboratif) qui permettent de collecter du capital sur le Web.
Mme Laurence Parisot a repris cette idée lors des Assises du Numériques. (sans dire que c’est une reprise du dispositif législatif américain. Il est probable que cette oubli correspond à une tactique d'évitement vis à vis des médias). Elle propose 3 points fondamentaux :
·       la création d'un statut de courtier en financement collaboratif,
·       l’abaissement des conditions requises pour faire appel au marché du financement,
·       l’intégration des entreprises ayant le statut de SAS dans le dispositif.
Il serait bien que le Medef reprenne cette initiative.
Pour les entreprises du numérique la recherche de financement c’est la Vallée de la Mort. Après le « love money » de la famille et des amis il est très difficile de trouver un véritable venture capital capable de financer une activité dont le seul actif est son éco système. Il est vital de lever rapidement cet obstacle. 

1 commentaire:

Bernard Quinio a dit…

Deux articles intéressants sur le développement du numérique qui viennent appuyer ces propos :
http://www.lenouveleconomiste.fr/deezer-dailymotion-viadeo-criteo-16982/#.UMtWK6yz47u

&
http://www.cio-online.com/actualites/lire-elie-cohen--les-gains-de-productivite-lies-a-internet-s-epuisent-selon-de-plus-en-plus-d-etudes-4768-page-1.html